Démondialiser et coopérer

Blog d'Aurélien BERNIER

posté le mercredi 04 avril 2012

Enfin, l'écologie sociale comme programme politique !

 

Par Aurélien Bernier et Michel Marchand, membres du Mouvement politique d’éducation populaire (M'PEP) et auteurs de « Ne soyons pas des écologistes benêts », éd. Mille et une nuits, 2010.

Le rassemblement populaire du 18 mars 2012 à la Bastille n'a pas seulement révélé l'ampleur de la dynamique du Front de gauche. Il a également montré à quel point les dirigeants « historiques » d'Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) se fourvoient. Que les principaux responsables de cette organisation se prêtent au jeu des commentaires désobligeants n'est pas surprenant. Mais la teneur des réactions, par contre, mérite qu'on s'y attarde.

Pour Cécile Duflot, « Jean-Luc Mélenchon fait de la politique avec un rétroviseur » en se référant aux symboles de la République. Éva Joly évoque « de belles paroles franco-françaises » émanant de « la gauche ancienne ». Pour Jean-Vincent Placé, les positions du Front de Gauche représentent « une forme de repli franco-français, de refus d'une Europe ouverte et plus démocratique » ; il accuse Jean-Luc Mélenchon de « démagogie » et lui reproche « un certain poujadisme sud-américain à la Chavez ou Morales ».

Vexés par le camouflet électoral qui les attend, les dirigeants nationaux d'EELV ne comprennent pas qu'ils expriment là les raisons de leur propre échec. En effet, si la campagne d'Éva Joly est désastreuse, le véritable problème n'est pas sa seule personnalité. Avec un programme déconnecté des réalités politiques, sociales et stratégiques, les penseurs d'EELV montrent qu’ils n'ont toujours pas compris la vraie nature de la mondialisation et des enjeux écologiques et sociaux qui l’accompagnent.

Dans les années 1970, l'écologie politique française s'est fondée sur une culture libérale-libertaire inspirée de la nouvelle gauche américaine née au cours de la décennie précédente. Elle s'est construite contre le nucléaire, sur la diabolisation d’EDF et de l'Etat. Rapidement, un raisonnement s'est imposé : puisque la pollution n'a pas de frontière, l'écologie ne doit pas en avoir non plus. Tout ceci s'est traduit par un rejet viscéral de l'Etat, des symboles de la République, de la Nation, assimilés au nationalisme. Pour contourner l'Etat par le local et par le supranational, les dirigeants écologistes engagés dans le combat électoral à partir de 1974 se sont forgé deux totems : le régionalisme et l'européisme.

Malheureusement, les principaux défenseurs de l'écologie n'ont pas compris qu’en même temps, et pour des raisons diamétralement opposées, les tenants de la mondialisation visaient eux aussi un affaiblissement et le déclassement conceptuel de l'Etat. Ronald Reagan, affirmant dès 1981 que « L'Etat n'est pas la solution, l'Etat est le problème », aurait du leur mettre la puce à l'oreille. Non seulement ce ne fut pas le cas, mais les déclarations récentes confirment que les dirigeants « verts » actuels s'enferment encore un peu plus dans leurs erreurs d'analyse.

Faute d'avoir clarifié la question de l'Etat, dont le renforcement est le seul moyen de rendre le pouvoir au peuple, et celle de la mondialisation, le mouvement écologiste n'a jamais percé durablement. Pour survivre, il lui faut s'allier avec les socio-démocrates ou « s'ouvrir » au centre-droit, ce qui amène inévitablement à dépolitiser la question écologique. Il ne leur reste alors qu'à exploiter les mirages européistes et régionalistes.

Après trente ans d'un euro-libéralisme forcené, après des mois de crise économique gravissime, malgré les vagues successives d'austérité qui s'abattent sur les peuples, les dirigeants d'EELV croient toujours dur comme fer en un fédéralisme européen appuyé sur de grandes Régions dont les compétences seraient renforcées. Un schéma qui conduit en fait à transférer le pouvoir à l'Union européenne pour qu'elle mène des politiques antisociales, et à confier aux collectivités locales la gestion des conséquences désastreuses de l'ultralibéralisme. Et l'insupportable Daniel Cohn-Bendit, artisan de l'ouverture d'EELV au centre-droit, va jusqu'à proposer aujourd'hui sa candidature à la présidence de la Commission européenne !

A côté des errances d'EELV, le programme défendu par Jean-Luc Mélenchon donne la marche à suivre pour aborder de front les questions écologiques et sociales. En proposant de désobéir à l'Union européenne, de réguler le commerce international, de taxer les richesses, tout en se plaçant dans une logique internationaliste, le Front de gauche s'attaque aux vrais problèmes et donne enfin une perspective et une cohérence politique majeure : la rupture avec le capitalisme pour construire un socialisme du XXIè siècle. Bien-sûr, le programme « L’humain d’abord » a ses limites. Il lui manque une dose d'antiproductivisme, un peu plus d'audace sur le protectionnisme écologique et social, ou encore la sortie de l'euro pour reprendre en main tous les leviers de la souveraineté populaire. Mais l'essentiel s'y trouve, c'est à dire la volonté de gouverner réellement à gauche et d'intégrer pour de bon la question environnementale.


Jusqu'à présent, à chaque élection, les citoyens de gauche devaient choisir : soit ils votaient pour l'écologie, sans perspective de rupture avec l'ordre capitaliste ; soit ils votaient contre le capitalisme, en renonçant au message de l'écologie. En 2012, pour la première fois depuis l’émergence de la crise écologique, le Front de gauche permet de ne pas avoir à choisir. Il permet, enfin, de voter pour une écologie sociale et solidaire, sans concession.

 


Commentaires

 

1. RV  le 24-04-2012 à 19:01:22

Bonjour
Vu ce jour sur le blog de Paul Jorion une liste programmatique de mesures qui pourraient être mises en débat et venir enrichir l'offre politique, liste que je vous soumets :

* Accorder à nouveau la priorité aux salaires plutôt que favoriser l’accès au crédit, lequel est nécessairement cher et se contente de repousser à plus tard la solution des problèmes se posant d’ores et déjà.

* Mettre hors-la-loi la spéculation en rétablissant les articles de la loi française qui l’interdisaient jusqu’en 1885.

* Mettre hors d’état de nuire les paradis fiscaux en interdisant aux chambres de compensation de communiquer avec eux dans un sens comme dans l’autre.

* Abolir les privilèges des personnes morales par rapport aux personnes physiques, privilèges ayant permis de transformer de manière subreptice dans nos démocraties le suffrage universel en suffrage censitaire.

* Redéfinir l’actionnaire d’une société comme étant l’un de ses créanciers et non l’un de ses propriétaires ; établir les cours à la Bourse par fixing journalier.

* Éliminer le concept de « prix de transfert » qui permet aux sociétés d’échapper à l’impôt par des jeux d’écriture entre maison-mère et filiales.

* Supprimer les stock-options pour instaurer une authentique participation universelle.

* Ré-imaginer les systèmes de solidarité collectifs, au lieu des dispositifs spéculatifs voués à l’échec en raison de leur nature pyramidale que sont l’immobilier ou l’assurance-vie, par lesquels on a cherché à les remplacer.

Enfin, dans un monde où le travail disparaît, la question des revenus doit être mise à plat et faire l’objet d’un véritable débat.

 
 
 
posté le mardi 03 avril 2012

La croissance, viagra de la gauche molle

 

 

Article paru dans le Sarkophage de mars 2012. 

 

 

Sur un point au moins, le projet du Parti socialiste pour 2012, intitulé « Le changement », a le mérite de la clarté : le productivisme de gauche a encore de beaux jours devant lui. Dès le premier chapitre (« Redresser la France et proposer un nouveau modèle de développement »), le texte d'introduction livre l'analyse suivante : « Sans croissance ni innovation, les individus s’appauvrissent et la société se disloque. Sans développement durable, la croissance ne sera pas soutenable. » Il faut donc augmenter la production pour éviter la misère intellectuelle et matérielle, mais le faire d'une manière compatible avec ce développement durable qui imprègne depuis plusieurs années l'ensemble des programmes politiques de l'extrême gauche à l'extrême droite.


La toute première mesure qui suit ce constat s'intitule « Produire plus, produire autrement ». Elle hisse au rang d'« objectif d’intérêt général » le fait de «  porter [le] potentiel de croissance de 1,5 % à 2,5 % du PIB » au cours de la législature 2012-2017 Un peu plus loin (mesure 1.1.3), les socialistes veulent « renforcer l’attractivité de l’économie française et promouvoir le made in France ».Considérant que « les délocalisations ont sinistré des territoires entiers et brisé des dizaines de milliers de familles » mais que « dans une économie globalisée, c’est aussi par le renforcement de l’attractivité globale que nous parviendrons à réindustrialiser durablement le pays. », ils proposent de développer les lignes de train à grande vitesse ou encore d'« investir dans les filières technologiques où la France est en tête, comme les énergies, l’aéronautique, la construction navale (civile et militaire), l’espace et la défense. »


Il est vrai que les règles commerciales imposées par la mondialisation du capitalisme ne simplifient pas les choses. Le Parti socialiste croit savoir que « nos grands groupes doivent être présents au plus près des marchés émergents pour mieux les conquérir », mais il s'intéresse dans le même temps aux États-Unis, qui ont su adopter « des mesures douanières qui visent à favoriser l’importation de composants intermédiaires pour fabriquer le produit final sur le sol américain ». Du coup, « la France pourrait s’inspirer de ces démarches avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, en passant avec eux un pacte de production et de co-développement industriel équitable », pacte pour lequel le projet de 2012 ne donne pas la moindre indication concrète.


Suivent différentes propositions visant à prouver qu'un productivisme à visage humain est possible et souhaitable : « miser sur l’éco-conception », « rattraper notre retard en matière d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie pour réussir la transition écologique », « soutenir une agriculture écologiquement et économiquement durable », « aller vers une pêche durable », « stopper l’érosion de la biodiversité et restaurer le patrimoine naturel ».


En matière d'innovation, nous sommes soulagés d'apprendre que « le débat entre la droite et [les socialistes] ne porte pas sur la nécessité de renforcer la compétitivité de l’économie française et européenne, mais bien sur la manière d’y parvenir. » Pour le parti de François Hollande, « seule la compétitivité par le haut, par l’innovation, produira une croissance durable et riche en emplois », ce qui suppose « d'investir dans la recherche », de « miser sur les sciences » et les « nouvelles technologies », sans oublier en parallèle de « valoriser l’économie sociale et solidaire » pour moraliser ce capitalisme tant critiqué.


Avec le souci permanent de rester en phase avec la mondialisation, les socialistes français égrainent donc tous les poncifs d'un productivisme de gauche dans ce texte totalement prévisible. Certains constats sont justes, comme celui qui dénonce les désastres des délocalisations, et certains objectifs sont pertinents, comme celui de retrouver le plein emploi ou de réindustrialiser le pays. Mais la méthode proposée ne s'écarte pas une seule seconde de la ligne social-démocrate fixée par le Parti socialiste européen (PSE). Dans son « Plan de relance progressiste » de mars 2009, ce dernier proposait déjà de mettre en oeuvre une « croissance verte intelligente » et faisait appel aux mêmes idées que celles exprimées par les socialistes français en matière d'énergie, de production « durable », d'innovation... Mais pour rassurer le lecteur, le PSE apportait une précision cruciale: il voulait de toute urgence conclure le cycle de négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce (le cycle de Doha) pour éviter toute tentation protectionniste qui pénaliserait la concurrence « libre et non faussée ». Cette « croissance verte intelligente » n'a donc pas vocation à remettre en cause la mondialisation, ni même à l'atténuer. Il s'agit au contraire de la renforcer : produire plus, commercer plus et toujours plus loin, consommer plus, mais remplacer les horribles énergies fossiles par les merveilleuses énergies renouvelables. C'est à se demander si, en matière de développement économique, même une feuille de papier à cigarette parviendrait à se glisser entre le projet des socialistes français ou européens et celui des conservateurs...


Beaucoup semblent croire que ce productivisme, pondéré comme il se doit de quelques références au développement durable et à la croissance « verte », est une séquelle d'un passé dont les socialistes ne parviennent pas à se défaire. Il serait l'héritage d'une époque où la gauche croyait pouvoir se battre contre la droite avec la même arme – l'augmentation du Produit intérieur brut – qu'elle utiliserait différemment en la mettant au service du bien-être social. Or, si l'on suppose que le problème est culturel, la solution est toute trouvée : il faut faire comprendre au Parti socialiste que les ressources sont limités et qu'une croissance forte, même « verte », n'est plus souhaitable. C'est la lourde tâche que s'est assigné le regroupement Europe écologie – Les Verts, qui s'efforce « d'écologiser » la social-démocratie comme on évangélisait le sauvage à une autre époque. Malheureusement, l'énergie des écologistes est dépensée en pure perte. S'il est toujours possible de faire changer d'avis les militants, modifier la ligne politique des principaux dirigeants est une autre affaire. Car les véritables raisons du productivisme socialiste ne se trouvent plus dans la culture militante, mais dans la stratégie adoptée depuis les années 1980.


Lorsque François Mitterrand accède au pouvoir en 1981, il est aussitôt confronté à des problèmes économiques liés aux effets de la mondialisation et à des attaques spéculatives contre le Franc. Rapidement, les socialistes se divisent en deux camps. Un premier veut poursuivre les politiques de gauche, ce qui imposerait de dévaluer plus fortement et d'accroître la régulation de l'économie par l'Etat : contrôle des mouvements de capitaux, protectionnisme, nouvelle répartition des richesses... A l'inverse, une frange libérale représentée par Jacques Delors ou Michel Rocard souhaite rester dans le système monétaire européen, qui empêche une forte dévaluation du Franc, et s'oppose à une trop grande intervention des pouvoirs publics. Les socio-libéraux auront vite gain de cause.


Sous l'impulsion de Jacques Delors, à l'époque ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, le Parti socialiste français opère en 1982-1983 son tournant de la rigueur. Après avoir bloqué les salaires dès juin 1982, le gouvernement adopte un véritable plan d'austérité en mars 1983 : lutte drastique contre l'inflation, fin des nationalisations, libéralisation progressive du commerce et des marchés financiers... Ce faisant, la gauche de gouvernement s'ampute elle-même des deux bras : celui des politiques monétaires de gauche, et notamment d'une forte dévaluation pour défendre l'industrie et l'emploi, et celui d'une régulation commerciale pour se protéger des importations à bas coût en provenance de pays où la main d'oeuvre est sous-payée. Ce que les socialistes présentent au départ comme une « parenthèse libérale » deviendra une ligne politique, et la parenthèse ouverte ne sera jamais refermée.


Pour faire diversion, les dirigeants socialistes développent alors une double stratégie : participer pleinement à la construction européenne et renforcer la décentralisation. Ainsi, ils transfèrent au niveau communautaire les compétences les plus importantes, notamment l'élaboration des véritables politiques économiques, et au niveau local la gestion au quotidien des conséquences du capitalisme néolibéral. L'État se désengage, et les politiques nationales « de gauche » se confondent de plus en plus avec des politiques « de droite », à l'exception de mesures sociales ou sociétales souvent symboliques ou contextuelles. L'appareil socialiste abandonne toute prétention de réforme structurelle radicale qui remettrait en cause les fondements du capitalisme néolibéral, qu'il s'agisse de la propriété privée des grands moyens de production, du libre-échange, de la financiarisation de l'économie ou de l'accumulation des richesses par une très petite minorité.


Tout ceci est connu. Ce qui l'est moins, c'est la conséquence qu'aura le tournant des années 1980 sur le rapport que le Parti socialiste entretient avec la croissance. En renonçant à lutter pour des changements structurels touchant à la mondialisation, au capitalisme ou à l'économie de marché, le Parti socialiste limite ses ambitions à amortir les chocs de la mondialisation. En refusant de taxer fortement les richesses, il se prive également de ressources financières pour appliquer son programme, ce qui ne lui laisse comme subsides que les retombées de la croissance économique. Des mesures sociales comme les 35 heures, les emplois jeunes ou le maintien des services publics coûtent cher. Elles ne peuvent être financées qu'en période de croissance élevée. Nommé Premier ministre en juin 1997, Lionel Jospin bénéficie de la forte croissance de l'économie mondiale en général et de l'économie française en particulier, et peut engager une politique relativement active sur l'emploi. Mais l'euphorie provoquée par la bulle spéculative des « nouvelles technologies » est de courte durée. La croissance chute de 4% en 2000 à 1,8% en 2001 et la baisse du chômage (de 12,2% en 1997 à 8,6% en 2001) commence à s'enrayer. En février 2002, Lionel Jospin change de discours : aux ouvriers de Michelin confrontés aux ravages des délocalisations, il déclare que « l'État ne peut pas tout ». Le sens profond de cette phrase est que l'État socialiste peut mener de politiques sociales seulement grâce aux miettes de croissance que lui concède le capitalisme mondialisé. En période de crise économique – c'est le cas depuis 2008 – ou simplement en période de croissance faible – c'est le cas depuis 2002 – le Parti socialiste devient incapable de financer ses politiques de « remord social ». L'attachement des socialistes à la croissance et au productivisme n'est donc plus un problème culturel : ils ont besoin du productivisme comme l'Afrique a besoin de la pluie !


L'idée de « verdir » le Parti socialiste est donc généreuse, mais totalement vouée à l'échec. Comment « verdir » une structure dont la capacité d'action est indexée sur le niveau de croissance ? Pour que les dirigeants socialistes accomplissent leur « outing » productiviste et s'engagent réellement dans l'écologie, il faudrait au préalable qu'ils renouent avec la lutte contre le capitalisme. Ils pourraient alors envisager de prendre l'argent là où il se trouve – chez les riches – et n'auraient plus besoin, pour financer leur programme, de s'accrocher à la croissance comme à une bouée de sauvetage mal rapiécée.

 


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posté le samedi 10 décembre 2011

Labo-Planète. Ou comment 2030 se prépare sans les citoyens - Jacques Testart, Agnès Sinaï et Catherine Bourgain

 

 

En 1963, le biologiste américain Barry Commoner publiait Science and Survival, paru en France sous le titre Quelle Terre laisserons-nous à nos enfants ? Il dressait la liste des principaux dégâts technologiques de son époque et avançait une idée novatrice : les citoyens peuvent juger de l’utilisation sociale des techniques. Un demi-siècle plus tard, la Fondation sciences citoyennes (FSC) poursuit une critique des sciences qui rappelle celle de Commoner.

 

Avec Labo-planète, Jacques Testart, Agnès Sinaï et Catherine Bourgain puisent dans un cycle de débats organisés par FSC. Leur constat est pessimiste : aux pollutions chimiques s’ajoutent les risques potentiellement liés aux organismes génétiquement modifiés (OGM), aux nanotechnologies ou aux changements climatiques. Selon eux, le brevet, comme le secret-défense, bloque la créativité et la coopération entre chercheurs. Mieux vaudrait une science interdisciplinaire, expliquant et proposant, mais laissant la société disposer. Les conventions de citoyens et le projet Linux sont autant de points d’appui.

 

Aurélien Bernier

Recension parue dans Le Monde Diplomatique de juillet 2011

 

Mille et une nuits, coll. « Essais », Paris, 2011, 176 pages, 10 euros.

 

 


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posté le samedi 10 décembre 2011

La Dictature du carbone - Frédéric Denhez

 

 

Que ceux qui n’ont pas calculé leur « empreinte carbone » lèvent le doigt ! Comme il existe des économistes hétérodoxes, Frédéric Denhez est un écologiste hétérodoxe, qui s’interroge sur la nature de cet indicateur carbone. Dans un monde libéral, son apparition ne doit rien au hasard. La société obéit à des règles « mécaniques » : nous connaissions les marchés, le libre-échange, le produit intérieur brut (PIB) ; nous découvrons à présent le chiffrage des émissions de carbone comme indicateur du XXIe siècle. En s’appuyant sur lui, le pouvoir économique bâtit un discours qui culpabilise l’individu et empêche tout changement structurel. On prend ainsi en compte les émissions liées à l’usage d’un produit, mais rarement celles associées à sa fabrication.

 

Ainsi la prime à la casse pousse-t-elle à détruire des voitures qui polluent moins que le processus industriel permettant d’en construire de nouvelles ! Denhez ne croit pas à la Bourse du carbone, qu’il propose de fermer, ni aux petits gestes annulés par la surconsommation, et encore moins à l’« oligarchie des experts ». En revanche, il est persuadé que l’écologie « est une science sociale, voire un socialisme ». Dans la mièvrerie « verte » ambiante, ce livre sur le carbone est une bouffée d’oxygène.

 

Aurélien Bernier

Recension parue dans Le Monde Diplomatique de décembre 2011.

 

Fayard, Paris, 2011, 300 pages, 19 euros.

 

 


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posté le samedi 10 décembre 2011

Le fonds "vert" de l'ONU va-t-il partiren fumée?

 

 

 

Après l'échec lamentable des négociations de Copenhague et de Cancun sur le climat, le principal enjeu de la conférence de Durban est la mise en oeuvre d'un fonds « vert » dont la création fut décidée en 2009 au Danemark et confirmée en 2010 au Mexique. Pour les Nations unies, l'objectif est de collecter d'ici 2020 un montant de 100 milliards de dollars, en mettant à contribution le public (les États) et le privé.


Officiellement, ce fonds doit permettre de financer des technologies « sobres en carbone » et des mesures d'adaptation au changement climatique dans les pays du Sud. Officieusement, il s'agit de faciliter l'entrée de capitaux privés dans ces pays et de les diriger vers les projets les plus rentables. L'association écologiste Les amis de la terre rappelle le bilan des investissements réalisés entre 2008 et 2010 au travers des mécanismes de la finance carbone : 63 % des fonds vont directement aux multinationales du Nord implantées dans les pays pauvres, et seulement 16 % bénéficient aux entreprises locales. Tout indique qu'il en sera de même pour le fonds « vert ».


Les États les plus puissants et l'Union européenne ont donné le ton. En septembre 2011, les ministres des finances du G20 publiaient un document stratégique sur le fonds « vert ». Le 4 octobre, c'était au tour du Conseil des affaires économiques et financières de l'Union européenne (ECOFIN). Alors que la crise économique ne fait qu'empirer, il n'est pas neutre que ces deux institutions travaillent sur le sujet et expriment peu ou prou les mêmes positions : il faut créer un « cadre incitatif pour les investissements privés », accorder une large place aux mécanismes de marché, tout en prenant en compte les contraintes budgétaires des États qui imposent « d'élargir les financements privés ».


En coulisses, les multinationales orientent les négociations sans se soucier du politiquement correct. Ces derniers mois, les Nations unies ont reçu deux contributions des acteurs du marché carbone. On y apprend que leur objectif est avant tout de développer les énergies renouvelables dans les pays du sud, les projets de réduction des consommations d'énergie (pourtant bien plus « écologiques ») ne générant pas assez de revenus pour les investisseurs. Pour ce faire, ils réclament que le fonds « vert » finance la couverture du risque pris par le privé dans des États où la situation politique et économique est incertaine. En d'autres termes, socialiser les risques et privatiser les profits...


Mais si l'idée de « sécuriser les investissements » fait consensus, l'engouement pour les énergies renouvelables n'est pas partagé par tous. C'est même une guerre ouverte qui a éclaté entre l'industrie des technologies « vertes » et l'industrie des énergies fossiles. Alors que les premiers voudraient voir les subventions à l'exploitation pétrolière, gazière ou charbonnière réorientées vers le solaire ou l'éolien, les seconds réclament des aides pour mettre en œuvre des technologies comme le stockage souterrain du carbone, qui permettrait de rendre l'extraction et la combustion des énergies fossiles « faiblement émettrice de gaz à effet de serre ». A la veille de l'ouverture de la conférence de Durban, les États-Unis et l'Arabie saoudite font monter la pression en refusant de signer le document projet sur le fonds « vert ».


Ces débats sont révélateurs. En cette période de crise, les États riches annoncent qu'ils ne débourseront pas un centime qui ne profite directement à leurs investisseurs. Leur objectif est de consolider un ordre économique mondial qui relève ni plus ni moins du néo-colonialisme économique. Fondé sur la libre-circulation des capitaux et des marchandises (le libre-échange) et la soumission des pays pauvres aux « lois du marché », notamment pour l'exportation des matières premières, cet ordre pourrait être renforcé par les accords sur le climat, avec l'alibi de la protection de l'environnement. Reste à savoir qui, des multinationales « fossiles » ou des multinationales « vertes », en sortira le mieux placé.


Article paru dans  l'Humanité dimanche n°289 du 1er au 7 décembre 2011

 


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1. Frank-51  le 11-12-2011 à 09:56:50

C'est incroyable toute cette poudre aux yeux pour rien...si pour renforcer encore et toujours ce systeme tout marché qui pourtant arrive à bout de course et ne profite qu'à une minorité !!!

 
 
 
 

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