Aurélien Bernier et Michel Marchand flinguent les écolos benêts qui ne sont "ni de droite ni de gauche" (Cohn-Bendit) ou rêvent de sauver les écosystèmes via le capitalisme (Arthus-Bertrand). Le salut : relocalisation de l'économie, décroissance des biens matériels, taxation des importations en fonction de critères sociaux et environnementaux.
Concis, utile, efficace.
LAURE NOUALHAT
Ne soyons pas des écologistes benêts, Aurélien Bernier et Michel Marchand, Ed. Mille et une nuits.
Dans '' Ne soyons pas des écologistes benêts '', Aurélien Bernier revient sur la crise environnementale. Le Poitevin Aurélien Bernier, qui a participé voici deux ans à la création du très à gauche Mouvement politique d'éducation populaire (M'PEP) continue son entreprise de dénonciation de l'hypocrisie écologiste. Après avoir démonté les mécanismes pervers du protocole de Kyoto, Aurélien Bernier publie aujourd'hui, avec Michel Marchand et sous les auspices du M'PEP un brûlot intitulé « Ne soyons pas des écologistes benêts ».
Les deux hommes ne peuvent guère être accusés de parler de ce qu'ils ne connaissent pas : Aurélien Bernier est un ancien de l'Agence de l'environnement (Ademe) et son comparse travaille à l'Institut de recherche sur la mer (Ifremer). L'un et l'autre constatent, comme beaucoup d'autres, l'ampleur de la crise environnementale et fusillent sans appel ceux qui, à l'instar de Claude Allègre nient la réalité du réchauffement climatique.
Mais ils dénoncent aussi avec la même vigueur ce « capitalisme repeint en vert », dont des Al Gore et autres Yann Arthus-Bertrand se sont faits les chantres. Pour les deux auteurs, fidèles à leurs origines gauchistes et écologistes, il n'est point de lutte efficace contre la crise environnementale sans rupture avec le capitalisme.
Les thèses défendues dans ce court ouvrage pourront paraître parfois excessives. Elles méritent pourtant qu'on s'y attarde. Ainsi, face à l'évidence de la mondialisation à laquelle s'est ralliée une grande partie de la gauche, Aurélien Bernier et Michel Marchand opposent-ils un protectionnisme social et écologique.
Le but étant de casser le « dumping » social et écologique de nombreux états émergents en direction de multinationales qui, par-delà des protestations de façade, ne visent qu'un seul but : le plus grand profit grâce aux bas salaires et aux moindres contraintes environnementales. Le débat méritait d'être ouvert.
8 septembre 2010
« Nous proposons la sortie pure et simple du capitalisme néolibéral, qu’il faut remplacer sans hésiter par un socialisme écologique et républicain. Cette sortie ne doit rien laisser au hasard. Mis bout à bout, un protectionnisme écologique et social, la relocalisation des activités, le droit opposable à l’emploi, la Charte de la Havane, les mesures de solidarité internationale, la désobéissance européenne… forment un tout cohérent. »
Voilà qui ne s’encombre pas de circonvolutions inutiles. Aurélien Bernier et Michel Marchand dans leur livre Ne soyons pas des écologistes benêts sous-titré Pour un protectionnisme écologique et social, dans la collection Les petits libres des éditions Mille et une nuits, ne mâchent pas leurs mots. Si leur analyse de la crise écologique et sociale est pour beaucoup celle que font maintenant de nombreux experts, politiciens et autres associations militantes, leurs conclusions et les solutions avancées sont radicales (qui, je le rappelle, ne signifie aucunement fanatiques) — à commencer par la sortie immédiate du capitalisme néolibéral.
Bref, et pour employer un langage familier, ça décoiffe.
« L’épuisement des énergies fossiles, les émissions massives de polluants et la destruction environnementale sont imputables à l’économie productiviste qui s’est emballée et mondialisée au cours des trente dernières années. Le capitalisme néolibéral ravage la planète. Nous devons consacrer toute notre énergie à y mettre fin. Là se trouve l’essentiel. » Depuis longtemps nous savons que les riches détruisent la Planète. Hervé Kempf l’a démontré avec brio dans l’un de ses livres. Alors pour quelles raisons n’arrivons-nous pas à mettre un terme à ce carnage, à cette gabegie ? Les écologistes n’ont-ils pas tort de dissocier l’écologie du social ? En cela, ne sont-ils pas des écologistes benêts ? Des questions que mettent en perspective les auteurs du livre.
Les écologistes ne pourront plus tergiverser sans fin. Ne pas remettre en question la mondialisation, la financiarisation ainsi que le libre échange, c’est amputé sa réflexion de sa partie congrue et de ce qui en fait sa raison d’être. Il n’y a pas d’autres chemins possibles pour enrayer les bouleversements environnementaux et mettre un terme à la crise sociale que sortir du capitalisme — « Le “capitalisme” entendu comme un système à l’œuvre qui exploite des marchés spéculatifs afin d’en tirer le maximum de profit immédiat, quitte à détruire l’homme et son environnement.»
À défaut d’être ni de droite ni de gauche, l’écologie finit par être de nulle part — mais comme elle ne peut être objectivement de droite…
Réduire le débat à une dimension purement éthique, morale ou philosophique est une manière commune et consensuelle de l’éviter. Ainsi un certain nombre d’écologistes risquent-ils de passer à côté d’une réalité qui pourtant crève les yeux : «… la nécessité de mettre en place des politiques de rupture avec le système actuel.»
Une partie non négligeable d’écologistes font trop souvent le jeu des « marchés » et des multinationales en laissant croire (volontairement ou pas) que le modèle capitaliste ne peut être pour l’instant mis en cause, qu’il faudrait s’en servir comme d’un levier, ouvrant ainsi la porte au «greenwashing», au hochet du développement durable et offrant la possibilité à l’ordre économique mondial de se verdir et de se refaire une santé. C’est oublié que « [l]’action de l’homme sur la planète, façonnée par le mode de production capitaliste, a aujourd’hui quatre conséquences majeures : les changements climatiques, l’érosion de la biodiversité, l’épuisement ou la distribution inégale des ressources renouvelables, avec notamment les difficultés croissantes d’accès à l’eau pour certaines populations, et la présence de substances toxiques dans le milieu naturel. »
Nous sommes entrés dans l’âge de l’anthropocène.
« ... [l]e capitalisme vert n’est rien d’autre que la mondialisation néolibérale, plus les énergies renouvelables. »
Aurélien Bernier et Michel Marchand, dans Ne soyons pas des écologistes benêts, font preuve d’une grande lucidité. Leur démonstration s’avère être d’une redoutable efficacité. Qu’ils abordent le thème de la décroissance, du développement durable, de la fiscalité ou encore de la productivité, ils ne sont jamais dans l’outrance.
Les faits sont là. Les possibilités que nous avons aujourd’hui de nous informer et d’agir sont multiples. Si l’engagement individuel est important — réduire sa consommation, favoriser le local, les énergies propres, et plus généralement mettre en pratique dans son quotidien ses convictions écologiques —, il n’ y a pas de solutions qui ne passent immanquablement par le politique.
En finir avec le capitalisme néolibéral est un impératif dont le mouvement écologique ne pourra pas faire l’économie.
Les auteurs de Ne soyons pas des écologistes benêts avancent des solutions adéquates pour contrer le capitalisme « vert ». Leur visée n’est pas utopique. Leur objectif est clair: « … nous devons élaborer un véritable projet de société capable de susciter l’enthousiasme et de fédérer les citoyens. Un projet dont la vocation est de devenir majoritaire, y compris dans les urnes. »
Une lecture revigorante.
Militants associatifs ou politiques, les écologistes benêts sont ceux qui voient le monde à travers la seule crise environnementale, en oubliant la crise sociale. Ceux qui défendent une écologie qui ne serait « ni de droite ni de gauche » (Daniel Cohn-Bendit). Ceux qui prétendent sauver les écosystèmes sans mettre fin au capitalisme (Yann Arthus Bertrand).
Pourtant, l’effondrement financier de 2008 aurait dû les réveiller… Eh bien non. Au contraire, ils défendent le capitalisme vert, qui permet à l’ordre économique mondial de se faire une seconde jeunesse.
Nous ne devons pas nous laisser berner. C’est bien à une réorganisation politique qu’il faut œuvrer. Cela passe par des prises de position claires : contre l’OMC, pour un protectionnisme écologique et social à l’échelle des Etats, pour un nouvel internationalisme.
Sortie en librairie le 25 août 2010
Ancien membre d’Attac, Aurélien Bernier a travaillé dix ans pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Il collabore au Monde diplomatique.
Michel Marchand travaille à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) et est spécialiste des pollutions chimiques marines.
2. Morandet le 14-11-2011 à 19:23:02
Bien d'accord avec cette présentation, mais je ne connaissait pas le livre et je n'ai donc pas encore eu l'occasion de le lire.
D'un autre côté, je voudrais signaler un petit site qui n'est pas "écologiste" mais apporte de bonnes informations, précises et chiffrées de plus.
C'est celui-ci : http://energeia.voila.net/index2.htm
Je vais aller faire un tour en librairie.
Article paru dans l'Humanité du 19 mai 2010
Fermons les yeux et rêvons un peu. Nous sommes en 2012, au printemps. La Gauche radicale française sort enfin victorieuse des élections présidentielles et législatives. Mais passée l'immense fête populaire que mérite un tel succès et la mise en place d'un gouvernement, il se pose un problème crucial aux nouveaux dirigeants. Si cette Gauche radicale se réfère au droit communautaire qui s'impose aux états membres, elle doit renoncer à mettre en œuvre son programme social, écologique et solidaire, qui est par nature incompatible avec les traités de l'Union européenne.
Il fut une époque où la Gauche répondait clairement à ce problème. Dans son chapitre consacré à l'Europe, le programme commun de 1972 du Parti communiste, du Parti socialiste et du Mouvement des radicaux de gauche indiquait : « Le gouvernement aura à l’égard de la Communauté économique européenne un double objectif. D’une part, participer à la construction de la CEE [...] avec la volonté d’agir en vue de la libérer de la domination du grand capital, de démocratiser ses institutions, de soutenir les revendications des travailleurs et d’orienter dans le sens de leurs intérêts les réalisations communautaires ; d’autre part de préserver au sein du marché commun sa liberté d’action pour la réalisation de son programme politique, économique et social. » Et l'Union européenne était à l'époque bien moins libérale qu’aujourd'hui!
Entre temps, Bruxelles a muré les fenêtres et verrouillé les portes qui auraient permis à des états de sortir de l'euro-libéralisme.
Le Traité indique par exemple que « Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites », ce qui rend les politiques fiscales de gauche impossibles.
La casse des acquis sociaux est mise en pratique par la Cour de justice des communautés européennes, dont les arrêts tendent à aligner les conditions de travail sur les pires dispositions en vigueur dans l'Europe des vingt-sept.
Face à une Commission qui conserve l'exclusivité en matière de propositions législatives, le Parlement est cantonné à un rôle d'observateur, qui autorise tout juste certains députés à lancer des alertes en direction de l'opinion publique. Surtout, l'assemblée qui représente les peuples ne possède aucune compétence sur les traités communautaires et les accords internationaux, qui sont les véritables fondements des politiques européennes.
L'affaire des OGM détruit quant à elle l'espoir qu'un groupe de pays puisse influencer les décisions de l'Union européenne dans un sens moins libéral : alors qu'une majorité de citoyens et d'états membres souhaite interdire les cultures transgéniques, la Commission continue de les imposer au nom du libre-échange.
Enfin, l'illusion d'une Union européenne solidaire a volé en éclats avec le traitement scandaleux de la situation grècque.
Tout projet de transformation « de l'intérieur » des institutions pour bâtir une Europe sociale nous renvoie donc à un avenir très lointain. La construction européenne suit une ligne tout à fait libérale qui ne montre aucun signe d'affaiblissement, bien au contraire.
Cette situation nous impose de répondre aussi clairement que nos prédécesseurs à cette question taboue : que ferait un gouvernement de Gauche radicale face aux règles communautaires? Il n'aurait pas le choix. Il lui faudrait désobéir, c'est à dire construire un droit national socialement juste et protecteur de l'environnement, même si ce droit est incompatible avec les textes européens.
La Gauche pourrait-elle accepter la transposition des directives de privatisation qui détruisent la Poste ou le service public de l'énergie? Pourrait-elle accepter qu'on lui interdise de taxer les transactions financières ou de voter des lois anti-délocalisations? Bien-sûr que non.
Loin de s'isoler, un état qui assumerait la désobéissance européenne en entraînerait d'autres avec lui. Il créerait un formidable espoir de changement là où domine le fatalisme. Il ouvrirait une brèche dans laquelle les mouvements sociaux pourraient s'engouffrer. En nouant de nouvelles alliances sur des bases anti-libérales, il irait même jusqu'à poser les fondations de cette autre Europe que nous souhaitons créer. Alors que progressent les gauches radicales en Allemagne, au Portugal et en France, la désobéissance européenne est le chaînon manquant vers une révolution progressiste par les urnes, en Europe et au delà.
En 2005, lors du référendum sur le Traité constitutionnel, nous expliquions aux citoyens que les politiques européennes surplombaient l'ensemble des politiques nationales. Les citoyens l'ont parfaitement compris. Soyons-donc logiques. Osons assumer cette désobéissance européenne qui permettra à la Gauche de redevenir victorieuse.
1. Alinge le 11-06-2010 à 15:36:41
Eh oui ! Désobéir, résister, encore et encore...
Désobéir à ces règles que nous avons rejetées quand la question nous a été posée, et que la droite triomphante, hautaine et méprisante pour ce (ces) peuple(s) imbécile(s) nous a imposées.
Résister à ce mode de pensée - en dehors duquel il n'est pas de salut nous affirme-t-on sans relâche - distillé à longueur d'antenne, radios et télévisions, journaux de toutes sortes, de toutes options, de toutes opinions.
Désobéir et résister à nos "amis", tous ces bons samaritains qui se posent en défenseurs du bon peuple mais qui, chaque qu'ils ont été aux affaires, ont poursuivi la politique menée par la droite.
"Il faut être raisonnables, il faudra faire des sacrifices ..."
1 D'accord ! Commencez !
2 Être raisonnable, ce n'est pas se soumettre. Des personnages illustres - et d'autres restés inconnus - de notre histoire l'ont démontré il n'y a pas si longtemps.
Alors, oui ! soyons raisonnables : DESOBEISSONS ! RESISTONS.
2. Pascal C le 13-06-2010 à 21:10:23
Je trouve que cet article gomme la responsabilité des élites française à cette construction européenne capitaliste.
On pourrait avoir l'impression que la résistance serait plus efficace au niveau de l'état-nation qu'au niveau communauté européenne.
Un peu comme si (on l'entend de plus en plus) le franc permettait de moins se faire couillonner que l'euro.
Pour ma part je mise sur l'internationalisme dans les luttes comme horizon, boussole, visée. Cela prend en compte les luttes menées au niveau de son état-nation mais évite le piège duu nationalisme.
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