Dès le XVIIIème et le début du XIXème siècle, les économistes Adam Smith et David Ricardo avaient décrit un phénomène d'une logique imparable : la baisse du prix des denrées alimentaires permet d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés sans avoir à augmenter leurs salaires. Par voie de conséquence, cette baisse est vivement souhaitable pour les propriétaires des grands moyens de production. Règle numéro un du parfait libéral : la nourriture doit être bon marché.
Dans ses travaux, le même Ricardo élabore la théorie des avantages comparatifs, qui conclut à l'intérêt qu'aurait chaque pays à se spécialiser dans les types de production pour lesquels il se montre le plus performant. Peu importe que cette spécialisation rende dépendant d'autres pays producteurs, le libre-échange permet aux marchandises de circuler et aux peuples de satisfaire leurs besoins. Règle numéro deux : il faut renoncer à la souveraineté alimentaire et industrielle pour se convertir au libre-échange.
La stratégie de mondialisation permise par le développement fulgurant des réseaux de transport et de communication n'est jamais que la mise en oeuvre à marche forcée de ces principes par les puissances économiques. Tous les moyens auront été bons pour y parvenir. Le GATT puis l'OMCi propageront le libre-échange un peu partout sur la planète, y compris dans le domaine agricole. Lorsque les négociation patinent à l'OMC, comme c'est le cas depuis quelques années, des accords régionaux ou bilatéraux prennent le relais et appliquent les mêmes recettes. Sans oublier les Plans d'ajustement structurels imposés aux pays emprunteurs du Fonds monétaire international (FMI), qui déclinent encore la doctrine néolibérale. En bout de course, les vrais bénéficiaires de ce libre-échangisme débridé sont les grandes entreprises, qui peuvent profiter des conditions sociales, fiscales et environnementales les plus avantageuses et niveler par le bas les législations grâce à l'argument massue de la concurrence internationale.
De plus, la financiarisation croissante de l'économie démultiplie les conséquences de cette réorganisation. Le pouvoir exorbitant des marchés généralise la spéculation, y compris sur les produits alimentaires. Le « marché mondial » fixe les prix, fonction de l'offre et de la demande... mais aussi (et de plus en plus) des perspectives de rendement financier. Pour s'en convaincre, on peut admirer la transparence de la banque belge KBC qui, pendant les révoltes de la faim, vante les performances d'un produit financier investi dans les matières premières agricolesii.
Ainsi, on comprend mieux comment cette mondialisation qu'on nous prédisait heureuse a pu conduire à la situation de pénurie alimentaire vécue en ce moment même par de nombreux pays. Spéculation provoquant une hausse brutale des prix, répartition totalement inéquitable des richesses, dépendance des pays du Sud vis-à-vis du Nord...voilà les ingrédients de la crise. On peut bien-sûr ajouter un choix technologique désastreux comme celui des agro-carburants, qui confirme l'hérésie du système économique mondial en détruisant des aliments pour produire de l'énergie.
Face à la révolte de populations qui ne parviennent plus à payer leur nourriture, les institutions sont dans l'embarras. Elles accusent la hausse de la population, la croissance de la Chine et de l'Inde ou le changement climatique, et préconisent d'augmenter l'aide alimentaire. Les plus téméraires reconnaissent tout juste des effets pervers dans la stratégie internationale et se souviennent que les subventions des pays riches à leur agriculture provoquent un dumping terrible dont sont victimes les pays en développement. Egale à elle-même, la Banque Mondiale s'oppose à l'arrêt des exportations de produits alimentaires par les Etats les plus touchés par la famine au motif... que cette mesure provoquerait une nouvelle augmentation des cours sur les marchés ! En d'autres termes, pour sortir de la crise, laissons mourir les pauvres.
On applaudira enfin la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, qui estime que les prix élevés sont « une bonne chose pour les producteurs »iii et qu'un développement plus rapide des organismes génétiquement modifiés (OGM) limiterait la crise. Toutes les démonstrations ont pourtant été faites et maintes fois répétées pour tordre le cou à ce dernier argument. Protégés par brevets et conçus pour une agriculture intensive basée sur la chimie, les OGM sont un désastre de plus pour les pays en développement. Environ 80% des surfaces cultivées dans le monde avec ces variétés sont d'ailleurs destinés à la nourriture du bétail consommé dans les pays riches. Et, à supposer que certains OGM apportent une amélioration en terme de rendement (ce qui reste à prouver), les faits démontrent que les causes de la malnutrition sont bien politiques, et qu'augmenter la production ne modifiera en rien la situation.
Une diversion aussi ridicule n'a visiblement qu'un objectif : celui d'occuper le terrain médiatique. Car, pour les tenants de l'ordre économique international, le risque que les citoyens tirent les véritables conclusions de cette situation est grand. Et ces conclusions sont sans appel. Le libre-échange est un désastre au Sud comme au Nord. Reconstruire la souveraineté alimentaire et industrielle des Etats est la seule voie possible pour sortir d'une logique de concurrence et s'engager dans une logique de coopération et de solidarité. Pour cela, il faut fermer la bourse, contrôler les importations et les investissements, taxer les profits... bref, remettre l'économie sous contrôle politique. Si elle était analysée pour ce qu'elle est, cette crise alimentaire devrait signifier la mort clinique de l'idéologie néolibérale.
iGATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé le 30 octobre 1947 pour harmoniser les politiques douanières des parties signataires. Cet accord multilatéral de libre-échange entra en vigueur en janvier 1948 et aboutira en 1994 à la création de l'Organisation Mondial du Commerce (OMC).
iiCourrier International, 7 mai 2008, http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=85449
iii« Hausse des prix agricoles: bonne chose pour les producteurs », AFP, 18 avril 2008.
Ecoutez l'émission du 10 juin 2008 sur le site de "Des sous" :
http://dsedh.free.fr/emissions_passees.htm
Des sous et des hommes
Emission d'éco pédago, sur AligreFM, 93.1 FM en région parisienne
Une émission proposée et animée par Pascale Fourier
1. oozmama le 11-06-2008 à 20:36:10
salut. je suis au Maroc.
j'ai vu "écologie" alors j'ai cliqué.
Ici, c'est sale, sale, sale, à perte de vue.
Il n'y a personne à qui en parler. Il n'y a aucun responsable. il n'y a aucune campagne d'information.
C'est comme en Martinique ou en Indonésie. Ils jettent tout par terre. C'est immonde.
Sinon, j'étais contente de voir écrit : AligreFM. J'habitais Gare de Lyon, à Paris.
Mais c'est devenu trop cher pour moi.
Je suis venue habiter directement dans la poubelle.
Bon courage. Bonne résistance.
édité le 11-06-2008 à 20:38:46
Ecoutez l'émission du 22 avril 2008 sur le site de "Des sous" :
http://dsedh.free.fr/emissions_passees.htm
Des sous et des hommes
Emission d'éco pédago, sur AligreFM, 93.1 FM en région parisienne
Une émission proposée et animée par Pascale Fourier
Evidemment, les comportements individuels ont toute leur importance dans la préservation d'un environnement de plus en plus menacé, et il ne s'agit pas de les dénigrer. Mais cette rééducation écologiste organisée par les pouvoirs publics, relayée par les médias et appuyée par bien des financeurs privés a aussi un sens politique quand, dans le même temps, la plus grande discrétion couvre le lobbying effréné que mènent les grandes firmes pour échapper à la contrainte. De la même manière, les gouvernements prennent bien soin de ne jamais évaluer l'impact global des politiques libérales sur l'environnement, ce qui donnerait sans aucun doute le tournis. Pour ne citer qu'un exemple, l'Union européenne, que chacun s'accorde à trouver « en pointe sur les questions environnementales », continue de consacrer 50 milliards d'euros par an pour soutenir une agriculture intensive destructrice des écosystèmes et de la paysannerie.
Pour s'adapter à l'air du temps et au format médiatique dans lequel se fond le discours officiel, voici donc dix gestes pour sauver la planète. Mais pour la sauver vraiment, et pas seulement pour masquer le renoncement du politique face à l'avancée du néo-libéralisme.
1. Instaurer de nouveaux droits de douane et restaurer un contrôle des changes
Ce premier « geste » a un objectif très simple : mettre fin au libre-échange, qui ne représente une liberté que pour les multinationales et les investisseurs. Il s'agit de la toute première étape à envisager, puisqu'il est impensable de reconquérir du pouvoir politique sur l'économie sans casser le chantage aux délocalisations et sans empêcher les prises de contrôle plus ou moins sauvages des entreprises nationales par des investisseurs étrangers. Calculés sur la base des coûts sociaux et environnementaux de la production importée, ces droits de douane permettraient de réintroduire dans les prix les externalités tant prisées par les firmes et de couper ainsi toute envie de délocaliser aux grands groupes. Le contrôle des changes permet quant à lui d'orienter l'investissement étranger en fonction de choix collectifs, de priorités définies démocratiquement par les Etats, et non plus de laisser le marché opérer dans l'anarchie la plus complète, en fonction de ses seuls intérêts.
2. Etablir une réglementation contraignante et la faire respecter
Le fait de mettre un coup d'arrêt au libre-échangisme permet ensuite ― et seulement ensuite ― de contraindre les grandes entreprises résidentes à respecter des normes définies par la collectivité. Puisque, par l'intermédiaire des droits de douane, une concurrence réellement « non faussée » est établie, les firmes ne disposent plus de l'argument d'une concurrence internationale sauvage pour fuir leurs responsabilités. Des normes environnementales et sociales strictes peuvent être édictées, et une police efficace doit permettre de les faire respecter. Les notions de « mise en danger des équilibres environnementaux » et de « crime environnemental » doivent être inscrites dans la loi. Dans les cas les plus graves, elles pourraient donner lieu à une réquisition des entreprises par les pouvoirs publics.
3.Créer une taxe sur les activités résidentes
A l'image des taxes aux frontières, une taxe socio-environnementale doit s'imposer aux activités résidentes pour réduire au maximum les externalités. Le volet écologique du produit de la taxe sera divisé en deux : une moitié, perçue par l'Etat, sera utilisée pour financer des politiques publiques ambitieuses ; la seconde, versée sur un compte dédié de l'entreprise, servira uniquement à financer des actions de réduction de l'empreinte écologique (recherche, travaux, formation des salariés, plans de déplacement, etc.). Si les sommes bloquées pour une auto-consommation par l'entreprise ne sont pas dépensées passé un certain délais, elle sont transférées dans les caisses de la collectivité.
4.Conditionner les aides publiques
L'Etat français conditionnera l'attribution des 65 milliards d'euros annuels d'aides publiques qu'il accorde aux entreprises au respect de contraintes environnementales et sociales. Il n'y a en effet aucune raison pour que cet argent soit considéré comme un dû, et que l'attribution d'une aide se fasse sans droit de regard sur les pratiques de l'entreprise.
5. Orienter la consommation en agissant sur les prix et la fiscalité
6. Relocaliser l'économie sur le principe d'une décoissance matérielle et d'une croissance des services publics
L'application de nouveaux tarifs douaniers n'a pas pour objectif de fermer la porte aux importations, mais bien d'éviter le dumping en provenance de pays dont les niveaux de protection sociale et environnementale sont inférieurs. Ceci étant, un telle décision permettra de relocaliser l'économie, de développer l'emploi et de réduire la pollution grâce à une baisse des besoins en transport. Cette relocalisation doit être précédée d'une réflexion sur une décroissance matérielle, qui soit une diminution de l'empreinte écologique de la production à qualité de vie équivalente ou supérieure. Cette diminution doit bien-sûr être absolue, et non relative comme le souhaiteraient ceux qui ne jurent que par l'augmentation du PIB. Concrètement, ce changement s'opérera par des progrès techniques financés par la taxe socio-environnementale sur les activités résidentes, mais aussi par l'arrêt de certaines productions inutiles ou leur remplacement par des services. Un Etat devra disposer autant que possible d'une souveraineté alimentaire et industrielle, sans laquelle il est difficile de construire des échanges équitables entre pays. Par exemple, la France devra lancer un plan ambitieux de production de protéines pour nourrir ses animaux d'élevages, alors qu'elles sont actuellement importées à près de 80% du continent américain. Les achats publics devront obligatoirement privilégier, à qualité égale, des approvisionnements locaux. Les réseaux de transport ferroviaire sur les courtes et moyennes distance seront renforcés alors que le transport routier sera évidemment concerné par la taxe socio-environnementale et verra sa compétitivité baisser en proportion des nuisances qu'il cause.
7. Sortir de l'OMC et de l'eurolibéralisme
La grande majorité des « gestes » précédents, bien qu'ils soient indispensables, sont définitivement incompatible avec les règles de l'OMC et de l'Union européenne. Il faut donc prévoir un déblocage des verrous posés par les libéraux à ces deux niveaux, qui apparaissent de plus en plus difficiles à réformer. La sortie totale de l'OMC marquera une rupture franche avec les politiques libre-échangistes qui ouvrira la voie à d'autres accords multilatéraux basés sur la coopération. Vis-à-vis de l'Union européenne, la France doit à minima dénoncer toutes les mesures libre-échangistes en vigueur et retrouver les possibilités de mener une autre politique monétaire et budgétaire.
8. Dénoncer le Protocole de Kyoto et sortir de la bourse du carbone
Avec ses objectifs dérisoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sa mécanique financière, le Protocole de Kyoto et ses prolongements sont au mieux une perte de temps et au pire une solution globalement nuisible. Il faut donc dénoncer cette base de travail pour permettre l'émergence de nouveaux accords multilatéraux ambitieux, qui feront appel à une régulation forte par le politique plutôt qu'à des mécanismes de marché inefficaces et pervers.
9. Créer des alliances internationales autour d'un nouveau traité
En matière de lutte contre le changement climatique, l'objectif de réduction doit suivre les recommandations de la communauté scientifique en y ajoutant une marge d'erreur compte-tenu des incertitudes qui couvrent ces prévisions. Au niveau mondial, il s'agit donc de diviser par plus de deux les rejets d'ici 2050. L'engagement des partenaires sur une contribution à cet objectif proportionnelle à leurs moyens doit précéder tout accord commercial, qui sera établi dans une logique de coopération, de mutualisation des connaissances scientifiques, de partenariats sur le développement de technologies d'intérêt général qui soient « libres de droits ». Au delà de la seule question climatique, cet accord englobera les autres thématiques environnementales (biodiversité, épuisement des ressources, accumulation de substances toxiques) et s'ajoutera à une négociation visant l'harmonisation sociale et fiscale par le haut.
10. Affecter le produit des nouveaux droits de douane au développement de projets réellement propres
Le montant de la taxe perçue aux frontières sera consacré au financement de projets socialement et écologiquement responsables, menés dans la mesure du possible dans les pays taxés. Ces projets, qui pourront donner lieu à des transferts de technologies, seront évalués conjointement, et devront favoriser les retombées locales. Ainsi, les droits de douane ne pourront être utilisés dans une logique de repli protectionniste, mais deviendront eux aussi un outil d'harmonisation vers le haut des économies nationales.
1. decroissant le 21-05-2008 à 15:06:44
Bonjour,
Entierement d'accord.....mais comment mettre tout cela en oeuvre quand on voit comment sont consideres par nos gouvernants les volontes / souhaits exprimes par les citoyens?
Je ne vois que 2 possibilites, mais aucune ne me satisfait: soit tout casser (...), soit attendre (50 ans? 100 ans?) que des generations plus responsables soient aux manettes. Il risque d'etre un peu tard....
2. simon caribou le 22-05-2008 à 01:57:17
Je suis bien d'accord avec tout ça, le tout est de le mettre en oeuvre, et à toutes les échelles, du niveau local au niveau mondial.
Et pour celà il faut faire des actions autant au niveau individuel en évitant de tomber dans le piège de la société de consommation (ne pas changer de vêtements tout les mois car ils ne sont plus à la mode...)mais agir aussi dans des associations par des journées d'actions..
3. version5 le 26-05-2008 à 22:58:34 (site)
Comment ne pas être d'accord ?
Reste que la volonté politique est aux abonnés absents et que ces grands dossiers ne sont pas prêts de se retrouver sur le dessus de la pile.
Décroissant a raison, il n'y a guère que deux solutions aussi insatisfaisante l'une que l'autre ...
Donc ? On fait quoi ?!
4. abernier le 27-05-2008 à 10:50:20 (site)
Bonjour,
Je ne suis pas aussi pessimiste que vous sur les délais nécessaires pour changer d'orientations.
La situation d'échec complet du système néolibéral dans laquelle nous nous trouvons et la fuite en avant organisée par les libéraux (la forfaiture du traité dit simplifié après le non au TCE étant un des meilleurs exemples) peuvent et doivent conduire à un sursaut démocratique.
La gauche et l'extrême gauche sont piégées dans une sorte d'autocensure. Elles refusent de désigner les véritables verrous qui empêchent de construire une alternative (l'OMC et l'Union européenne) et de dire comment les faire sauter le plus vite possible. Elle refuse également d'admettre que le libre-échange est un outil au service du néolibéralisme. Ceci est sans doute lié au fait que Marx a pris position en faveur du libre-échange, en croyant qu'il permettrait de disséminer la lutte prolétarienne. Malheureusement, Marx s'est trompé. Le libre-échange a abouti à une mise en concurrence terrible des peuples et à la déconstruction des cadres nationaux qui sont les seuls aujourd'hui à permettre l'exercice de la souveraineté populaire. Il faut dépasser ce blocage idéologique et poser les choses clairement. Le libre-échange doit être combattu pour ce qu'il est, et si l'OMC et l'Union ne peuvent pas être réformées, il faut envisager la sortie.
Ce constat est en train de monter dans le débat public, et j'en ai confirmation à chacune de mes interventions. Les partis politiques sont nettement en retard sur les citoyens.
Je suis convaincu que si l'inévitable recomposition de la gauche se fait autour de ces questions centrales au lieu de se faire autour d'une simple liste de bonnes intentions, les choses pourraient changer beaucoup plus vite qu'on ne le croit.
Bien cordialement,
Aurélien BERNIER
5. decroissant le 28-05-2008 à 14:37:18
Bonjour,
J'aimerais pouvoir vous croire et partager votre optimisme....
Mais j'ai quand meme le sentiment que tout est verrouille: les idees dont vous parlez me "parlent" car je me sens concerne par ces problemes, parce que je fais l'effort d'essayer de me tenir informe, parce que je ne prends pas pour argent comptant tout ce que j'entends...bref parce que mon sens critique n'est pas encore totalement endormi (du moins je le pense....)
Mais quand je parle de tout cela autour de moi, je passe au choix pour un doux reveur, pour un aigri, ou pour un dangereux revolutionnaire qu'il serait bon d'enfermer...
Bref, j'ai le sentiment que la vaste majorite des gens a completement abdique face au deferlement neoliberal et n'envisage meme plus qu'il puisse exister une autre facon de vivre. Ils se contentent de leur train train, ils se plaignent bien un peu, mais tout remettre en cause? Non non, bien trop a perdre....
Franchement je pense qu'il faudra un changement de generation pour que les choses commencent a changer. Bien sur, quelques personnes de la generation actuelle ont conscience du probleme, d'autres vont en prendre conscience, mais leur nombre restera largement insuffisant pour faire changer la situation....Ca reviendrait pour cette generation a admettre qu'elle s'est trompe, et a moins d'y etre oblige (par exemple par un evenement gravissime du genre cataclysme climatique), l'effort est trop important.
D'ou mon pessimisme...
Cordialement
6. Niurka le 01-06-2008 à 17:56:19
J'ai apprécié le texte pour les raisons suivantes :
-Il est global et ne se satisfait pas de propositions écologiques restrictives.
-Il est sobre dans sa formulation mais les propositions qui y sont faites sont fortes au plan politique
-Et surtout, elles restent dans un champ de faisabilité qui donnent un sens à notre futur.
C'est la raion pour laquelle ce texte rompt avec le pessimisme ambiant. Ce qui est très stimulant. J'en fais part autour de moi
Niurka
7. JIPE le 20-06-2008 à 22:09:55
Aurélien,
Il est temps de se déniaiser :
La politique repose sur des accords plus ou moins récents et plus ou moins éthiques.
Peux être même que selon les cultures l'éthique c'est comme les gôuts et les couleurs.
Donc la politique changera notre monde lentement. Suffisament vite pour éviter une famine guerre tsunamie tremblement de terre inondation canicule ?
D'un point de vu scientifque l'expérience est très intéressante mais du point de vu humain je t'assure que non.
La priorité c'est de changer le comportement de ceux qui consomme les 80 pourcents des richesse dont toi et moi :
Je consomme le moins possible, je m'investit dans le développement durable dès que possible. La solution est dans nos gestes quotidiens à partager avec nos voisins même si ils ne pensent pas comme nous, l'essentiel est d'inverser la tendance : Aller à la cueillette avec la voisine et les enfants pour consommer locale, isoler son appartement avec le voisin.
Dans président Albert Duponteil nous répète "nous allons changer le monde car nous sommes le monde". Et oui nous sommes le monde les hyperstructures ont besoin de nous ce n'est pas l'inverse. Il faut cultiver son jardin (Molière Candide), les occasions de changer le monde son nombreuses chaque jour, notre rôle est d'être attentif pour les détecter.
8. Pierre-Ernest le 26-06-2008 à 10:52:21
A ce catalogue de mesures typiquement jacobines, on pourrait ajouter :
"création d'un organisme de contrôle des mesures proposées ci-dessus, avec sanction immédiate décidée par un tribunal populaire".
L'organisme pourrait par exemple s'appeler les "gardes rouges" (ou alors les "gardes verts" et œuvrerait pour un grand bon en avant de l'économie mondiale.
9. cyrille mani le 25-08-2010 à 11:51:25 (site)
Comment expliquez le fait que des mesures tardent à être prises, même si les grands leaders sont conscients de l'effet du réchauffement de la planète?
Fajardie est mort. Pour un révolutionnaire comme lui, casser sa pipe un premier mai est un sacré pied de nez. A soixante ans, pourtant, la nouvelle n'a rien de drôle, et les dizaines de bouquins qu'il laisse ne font pas oublier ceux qu'il aurait encore du écrire.
Fajardie est mort en même temps que Lucien Jeunesse, et depuis quelques heures, les grands médias servent à tour de bras les citations du célèbre présentateur de jeu. Mais citer Fajardie ne leur viendrait évidemment pas à l'idée. Peut-être daigneront-ils commenter rapidement le personnage, puisqu'ils ne savent faire que ça : commenter. Pour mieux faire l'impasse sur les idées, subversives et donc gênantes.
Pendant que les mêmes commémorent à leur façon un mai 68 qu'ils travestissent, dénigrent, caricaturent à souhait, il faut lire ou relire ce bouquin au titre sublime, « Jeunes femmes rouges toujours plus belles ». Le mai 68 de Fajardie. Celui des militants obscurs, qui voulaient vraiment la révolution, tandis que les leaders préparaient déjà la suite de leur carrière politique en bradant l'espoir d'un mouvement.
Pendant que les usines ferment et que l'écologie devient libérale et cotée en bourse, il faut lire ou relire « Metaleurop, paroles ouvrières ». Dans ces entretiens avec les salariés licenciés de Noyelles-Godault, Fajardie montre la mondialisation dans ce qu'elle a de plus abject, quand la recherche de profit brise des vies et que tous les arguments sont bons, y compris celui de préserver l'environnement, pour atteindre l'objectif1. En 2008, cinq ans après Metaleurop, c'est au tour d'Arcelor-Mittal de se « restructurer » pour aller chercher ailleurs des salaires de misère et la contrainte environnementale la plus légère possible. En attendant bien-sûr le prochain. Cinq ans après, l'Agence Nationale Pour l'Emploi publie en France une « offre » de niveau bac+2, pour un poste à Pondichéry payé entre 160 et 320 euros par mois. Les journaux parlent de polémique, mais commentent encore une fois sans jamais expliquer qu'au petit jeu de la compétitivité il y aura toujours pire à quelques heures d'avion... Cinq ans après, rien n'a changé, sauf la vitesse à laquelle les libéraux nous conduisent dans le mur.
Fajardie a traduit cela mieux que bien des experts, quand il écrivait dans ce livre :
« Il ne suffit pas au capitalisme international de bouleverser l’infrastructure économique, ni de modifier à son avantage le mode de production : il veut davantage, s’attaquer à la superstructure, changer l’homme, la société, la vie, le quotidien et les valeurs, tout ce qui tendait à la solidarité, au collectif, au bien commun. »
Pour ceux qui, comme moi, ne supportent pas les nécrologies et les hommages posthumes, il ne reste plus qu'à lire, relire et faire lire Frédéric Fajardie.
1Lire « Quand l'écologie devient anti-sociale », http://abernier.vefblog.net/1.html#Quand_lecologie_devient_antisociale
1. christiandelille le 07-07-2008 à 22:39:22 (site)
Ne pas confondre Bernier (Aurélien) et Barnier (Michel). Le premier a une vision, est altruiste, sincère, vrai. L'autre, le ministre est opportuniste, ambitieux, retourne sa veste, est complètement faux. Le pire c'est que c'est ces 'qualités' qui lui ont permis de devenir ministre.
! Merci pour votre engagement, Aurélien, ça met un peu de baume au coeur !
http://lasersite.over-blog.com/article-18735838.html
2. Pascal L le 04-09-2009 à 20:40:04
Bonjour Aurélien, j'ai apprécié tes interventions à l'université d'été du M'PEP, mais en plus je m'aperçois que tu aimes Fajardie. Je l'ai un peu lu et j'ai aussi aimé! Salut fraternel!
Commentaires
1. michèle le 26-06-2008 à 00:08:25
Salut Aurélien,
Je croyais que c'était Adam Smith qui avait élaboré la théorie des avantages comparatifs en 1817, et non Riccardo.
J'ai traité de la crise alimentaire dans notre dernier "Mardi d'attac" et j'ai dit et développé les idées que tu exposes très clairement ici.Le débat fut intéressant mais personne n'a osé dire que la hausse des prix agricoles était une "bonne chose pour les producteurs", il n'y avait pas de céréaliers dans la salle....
2. 2eloq le 26-06-2008 à 11:28:09 (site)
merci de faire parvenir au plus de gens possible des renseignements aussi précieux..
il est incongru, à mon avis, que des avis tels que le tien, qui sont de simple bon sens mais, qui plus est, construits et argumentés, puissent être marginalisés par des voix ayant pignon sur rue...
3. Etsiçachangeait? le 27-06-2008 à 21:52:09
Je trouve ces arguments très censés et désolants, mais on cherche tous la solution. Aujourd'hui qui croit en un changement, on subit on plie ou on survit mais ceux qui décident peuvent continuer tranquillement car les "émeutes " sont matées ou cernées suffisamment grace à la milice, les medias la propagande , la betise et la tétanie des paralysies des absents ou peureux. Quelles actions, quel courage, qui veut Vraiment que ça change?
4. geodel le 27-06-2008 à 21:52:23
Toujours un plaisir de te lire. Tu exprimes de plume de maitre tout ce que je ressens.
En souvenir d'une soirée de mai 2005. En souhaitant agir de nouveau.
Georges de Jazeneuil.