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Titre du blog : Démondialiser et coopérer
Auteur : abernier
Date de création : 28-11-2007
 
posté le 18-05-2008 à 13:13:06

Dix gestes pour (vraiment) sauver la planète

Difficile d'ouvrir un magazine, de regarder un programme télévisé ou d'écouter la radio sans tomber, à un moment ou à un autre, sur une série de conseils pour obtenir son diplôme d'écologiste dans la vie de tous les jours. Ces sept, dix ou douze gestes qui soulageront à bon compte notre conscience environnementale sont aussi subversifs que fermer le robinet quand on se brosse les dents ou éviter de prendre sa voiture pour aller à la boulangerie du village.


Evidemment, les comportements individuels ont toute leur importance dans la préservation d'un environnement de plus en plus menacé, et il ne s'agit pas de les dénigrer. Mais cette rééducation écologiste organisée par les pouvoirs publics, relayée par les médias et appuyée par bien des financeurs privés a aussi un sens politique quand, dans le même temps, la plus grande discrétion couvre le lobbying effréné que mènent les grandes firmes pour échapper à la contrainte. De la même manière, les gouvernements prennent bien soin de ne jamais évaluer l'impact global des politiques libérales sur l'environnement, ce qui donnerait sans aucun doute le tournis. Pour ne citer qu'un exemple, l'Union européenne, que chacun s'accorde à trouver « en pointe sur les questions environnementales », continue de consacrer 50 milliards d'euros par an pour soutenir une agriculture intensive destructrice des écosystèmes et de la paysannerie.


Pour s'adapter à l'air du temps et au format médiatique dans lequel se fond le discours officiel, voici donc dix gestes pour sauver la planète. Mais pour la sauver vraiment, et pas seulement pour masquer le renoncement du politique face à l'avancée du néo-libéralisme.


1. Instaurer de nouveaux droits de douane et restaurer un contrôle des changes

Ce premier « geste » a un objectif très simple : mettre fin au libre-échange, qui ne représente une liberté que pour les multinationales et les investisseurs. Il s'agit de la toute première étape à envisager, puisqu'il est impensable de reconquérir du pouvoir politique sur l'économie sans casser le chantage aux délocalisations et sans empêcher les prises de contrôle plus ou moins sauvages des entreprises nationales par des investisseurs étrangers. Calculés sur la base des coûts sociaux et environnementaux de la production importée, ces droits de douane permettraient de réintroduire dans les prix les externalités tant prisées par les firmes et de couper ainsi toute envie de délocaliser aux grands groupes. Le contrôle des changes permet quant à lui d'orienter l'investissement étranger en fonction de choix collectifs, de priorités définies démocratiquement par les Etats, et non plus de laisser le marché opérer dans l'anarchie la plus complète, en fonction de ses seuls intérêts.

 

2. Etablir une réglementation contraignante et la faire respecter

Le fait de mettre un coup d'arrêt au libre-échangisme permet ensuite ― et seulement ensuite ― de contraindre les grandes entreprises résidentes à respecter des normes définies par la collectivité. Puisque, par l'intermédiaire des droits de douane, une concurrence réellement « non faussée » est établie, les firmes ne disposent plus de l'argument d'une concurrence internationale sauvage pour fuir leurs responsabilités. Des normes environnementales et sociales strictes peuvent être édictées, et une police efficace doit permettre de les faire respecter. Les notions de « mise en danger des équilibres environnementaux » et de « crime environnemental » doivent être inscrites dans la loi. Dans les cas les plus graves, elles pourraient donner lieu à une réquisition des entreprises par les pouvoirs publics.

 

3.Créer une taxe sur les activités résidentes

A l'image des taxes aux frontières, une taxe socio-environnementale doit s'imposer aux activités résidentes pour réduire au maximum les externalités. Le volet écologique du produit de la taxe sera divisé en deux : une moitié, perçue par l'Etat, sera utilisée pour financer des politiques publiques ambitieuses ; la seconde, versée sur un compte dédié de l'entreprise, servira uniquement à financer des actions de réduction de l'empreinte écologique (recherche, travaux, formation des salariés, plans de déplacement, etc.). Si les sommes bloquées pour une auto-consommation par l'entreprise ne sont pas dépensées passé un certain délais, elle sont transférées dans les caisses de la collectivité.

 

4.Conditionner les aides publiques

L'Etat français conditionnera l'attribution des 65 milliards d'euros annuels d'aides publiques qu'il accorde aux entreprises au respect de contraintes environnementales et sociales. Il n'y a en effet aucune raison pour que cet argent soit considéré comme un dû, et que l'attribution d'une aide se fasse sans droit de regard sur les pratiques de l'entreprise.


5. Orienter la consommation en agissant sur les prix et la fiscalité

Afin que les « gestes écologiques » (consommation bio, énergies renouvelables, voitures propres, etc.) ne soient pas réservés aux populations aisées et se diffusent largement dans la société, une administration des prix et une fiscalité incitative doivent être prévues. Les produits bio, par exemple, bénéficieront d'une TVA à taux réduit, alors que celle-ci sera majorée sur des produits de forte empreinte écologique. Dans le même temps, les marges de la distribution seront réglementées afin que les baisses de TVA se répercutent bien sur les prix. Pour des secteurs dans lesquels le nombre de producteurs est plus limité (énergies alternatives, véhicules individuels, etc.) des prix-plafond pourront être fixés directement par les pouvoirs publics. Dans le même esprit, les tarifs des transports collectifs seront fortement revus à la baisse, qu'il s'agisse du train, des réseaux de bus, de tramway ou de métro.


6. Relocaliser l'économie sur le principe d'une décoissance matérielle et d'une croissance des services publics

L'application de nouveaux tarifs douaniers n'a pas pour objectif de fermer la porte aux importations, mais bien d'éviter le dumping en provenance de pays dont les niveaux de protection sociale et environnementale sont inférieurs. Ceci étant, un telle décision permettra de relocaliser l'économie, de développer l'emploi et de réduire la pollution grâce à une baisse des besoins en transport. Cette relocalisation doit être précédée d'une réflexion sur une décroissance matérielle, qui soit une diminution de l'empreinte écologique de la production à qualité de vie équivalente ou supérieure. Cette diminution doit bien-sûr être absolue, et non relative comme le souhaiteraient ceux qui ne jurent que par l'augmentation du PIB. Concrètement, ce changement s'opérera par des progrès techniques financés par la taxe socio-environnementale sur les activités résidentes, mais aussi par l'arrêt de certaines productions inutiles ou leur remplacement par des services. Un Etat devra disposer autant que possible d'une souveraineté alimentaire et industrielle, sans laquelle il est difficile de construire des échanges équitables entre pays. Par exemple, la France devra lancer un plan ambitieux de production de protéines pour nourrir ses animaux d'élevages, alors qu'elles sont actuellement importées à près de 80% du continent américain. Les achats publics devront obligatoirement privilégier, à qualité égale, des approvisionnements locaux. Les réseaux de transport ferroviaire sur les courtes et moyennes distance seront renforcés alors que le transport routier sera évidemment concerné par la taxe socio-environnementale et verra sa compétitivité baisser en proportion des nuisances qu'il cause.


7. Sortir de l'OMC et de l'eurolibéralisme

La grande majorité des « gestes » précédents, bien qu'ils soient indispensables, sont définitivement incompatible avec les règles de l'OMC et de l'Union européenne. Il faut donc prévoir un déblocage des verrous posés par les libéraux à ces deux niveaux, qui apparaissent de plus en plus difficiles à réformer. La sortie totale de l'OMC marquera une rupture franche avec les politiques libre-échangistes qui ouvrira la voie à d'autres accords multilatéraux basés sur la coopération. Vis-à-vis de l'Union européenne, la France doit à minima dénoncer toutes les mesures libre-échangistes en vigueur et retrouver les possibilités de mener une autre politique monétaire et budgétaire.


8. Dénoncer le Protocole de Kyoto et sortir de la bourse du carbone

Avec ses objectifs dérisoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sa mécanique financière, le Protocole de Kyoto et ses prolongements sont au mieux une perte de temps et au pire une solution globalement nuisible. Il faut donc dénoncer cette base de travail pour permettre l'émergence de nouveaux accords multilatéraux ambitieux, qui feront appel à une régulation forte par le politique plutôt qu'à des mécanismes de marché inefficaces et pervers.


9. Créer des alliances internationales autour d'un nouveau traité

En matière de lutte contre le changement climatique, l'objectif de réduction doit suivre les recommandations de la communauté scientifique en y ajoutant une marge d'erreur compte-tenu des incertitudes qui couvrent ces prévisions. Au niveau mondial, il s'agit donc de diviser par plus de deux les rejets d'ici 2050. L'engagement des partenaires sur une contribution à cet objectif proportionnelle à leurs moyens doit précéder tout accord commercial, qui sera établi dans une logique de coopération, de mutualisation des connaissances scientifiques, de partenariats sur le développement de technologies d'intérêt général qui soient « libres de droits ». Au delà de la seule question climatique, cet accord englobera les autres thématiques environnementales (biodiversité, épuisement des ressources, accumulation de substances toxiques) et s'ajoutera à une négociation visant l'harmonisation sociale et fiscale par le haut.


10. Affecter le produit des nouveaux droits de douane au développement de projets réellement propres

Le montant de la taxe perçue aux frontières sera consacré au financement de projets socialement et écologiquement responsables, menés dans la mesure du possible dans les pays taxés. Ces projets, qui pourront donner lieu à des transferts de technologies, seront évalués conjointement, et devront favoriser les retombées locales. Ainsi, les droits de douane ne pourront être utilisés dans une logique de repli protectionniste, mais deviendront eux aussi un outil d'harmonisation vers le haut des économies nationales.

 

Commentaires

cyrille mani le 25-08-2010 à 11:51:25
Comment expliquez le fait que des mesures tardent à être prises, même si les grands leaders sont conscients de l'effet du réchauffement de la planète?
Pierre-Ernest le 26-06-2008 à 10:52:21
A ce catalogue de mesures typiquement jacobines, on pourrait ajouter :

"création d'un organisme de contrôle des mesures proposées ci-dessus, avec sanction immédiate décidée par un tribunal populaire".

L'organisme pourrait par exemple s'appeler les "gardes rouges" (ou alors les "gardes verts" et œuvrerait pour un grand bon en avant de l'économie mondiale.
JIPE le 20-06-2008 à 22:09:55


Aurélien,


Il est temps de se déniaiser :

La politique repose sur des accords plus ou moins récents et plus ou moins éthiques.

Peux être même que selon les cultures l'éthique c'est comme les gôuts et les couleurs.

Donc la politique changera notre monde lentement. Suffisament vite pour éviter une famine guerre tsunamie tremblement de terre inondation canicule ?

D'un point de vu scientifque l'expérience est très intéressante mais du point de vu humain je t'assure que non.

La priorité c'est de changer le comportement de ceux qui consomme les 80 pourcents des richesse dont toi et moi :

Je consomme le moins possible, je m'investit dans le développement durable dès que possible. La solution est dans nos gestes quotidiens à partager avec nos voisins même si ils ne pensent pas comme nous, l'essentiel est d'inverser la tendance : Aller à la cueillette avec la voisine et les enfants pour consommer locale, isoler son appartement avec le voisin.

Dans président Albert Duponteil nous répète "nous allons changer le monde car nous sommes le monde". Et oui nous sommes le monde les hyperstructures ont besoin de nous ce n'est pas l'inverse. Il faut cultiver son jardin (Molière Candide), les occasions de changer le monde son nombreuses chaque jour, notre rôle est d'être attentif pour les détecter.
Niurka le 01-06-2008 à 17:56:19


J'ai apprécié le texte pour les raisons suivantes :


-Il est global et ne se satisfait pas de propositions écologiques restrictives.

-Il est sobre dans sa formulation mais les propositions qui y sont faites sont fortes au plan politique

-Et surtout, elles restent dans un champ de faisabilité qui donnent un sens à notre futur.


C'est la raion pour laquelle ce texte rompt avec le pessimisme ambiant. Ce qui est très stimulant. J'en fais part autour de moi


Niurka
decroissant le 28-05-2008 à 14:37:18
Bonjour,


J'aimerais pouvoir vous croire et partager votre optimisme....

Mais j'ai quand meme le sentiment que tout est verrouille: les idees dont vous parlez me "parlent" car je me sens concerne par ces problemes, parce que je fais l'effort d'essayer de me tenir informe, parce que je ne prends pas pour argent comptant tout ce que j'entends...bref parce que mon sens critique n'est pas encore totalement endormi (du moins je le pense....)

Mais quand je parle de tout cela autour de moi, je passe au choix pour un doux reveur, pour un aigri, ou pour un dangereux revolutionnaire qu'il serait bon d'enfermer...

Bref, j'ai le sentiment que la vaste majorite des gens a completement abdique face au deferlement neoliberal et n'envisage meme plus qu'il puisse exister une autre facon de vivre. Ils se contentent de leur train train, ils se plaignent bien un peu, mais tout remettre en cause? Non non, bien trop a perdre....


Franchement je pense qu'il faudra un changement de generation pour que les choses commencent a changer. Bien sur, quelques personnes de la generation actuelle ont conscience du probleme, d'autres vont en prendre conscience, mais leur nombre restera largement insuffisant pour faire changer la situation....Ca reviendrait pour cette generation a admettre qu'elle s'est trompe, et a moins d'y etre oblige (par exemple par un evenement gravissime du genre cataclysme climatique), l'effort est trop important.


D'ou mon pessimisme...


Cordialement

abernier le 27-05-2008 à 10:50:20
Bonjour,


Je ne suis pas aussi pessimiste que vous sur les délais nécessaires pour changer d'orientations.


La situation d'échec complet du système néolibéral dans laquelle nous nous trouvons et la fuite en avant organisée par les libéraux (la forfaiture du traité dit simplifié après le non au TCE étant un des meilleurs exemples) peuvent et doivent conduire à un sursaut démocratique.


La gauche et l'extrême gauche sont piégées dans une sorte d'autocensure. Elles refusent de désigner les véritables verrous qui empêchent de construire une alternative (l'OMC et l'Union européenne) et de dire comment les faire sauter le plus vite possible. Elle refuse également d'admettre que le libre-échange est un outil au service du néolibéralisme. Ceci est sans doute lié au fait que Marx a pris position en faveur du libre-échange, en croyant qu'il permettrait de disséminer la lutte prolétarienne. Malheureusement, Marx s'est trompé. Le libre-échange a abouti à une mise en concurrence terrible des peuples et à la déconstruction des cadres nationaux qui sont les seuls aujourd'hui à permettre l'exercice de la souveraineté populaire. Il faut dépasser ce blocage idéologique et poser les choses clairement. Le libre-échange doit être combattu pour ce qu'il est, et si l'OMC et l'Union ne peuvent pas être réformées, il faut envisager la sortie.


Ce constat est en train de monter dans le débat public, et j'en ai confirmation à chacune de mes interventions. Les partis politiques sont nettement en retard sur les citoyens.

Je suis convaincu que si l'inévitable recomposition de la gauche se fait autour de ces questions centrales au lieu de se faire autour d'une simple liste de bonnes intentions, les choses pourraient changer beaucoup plus vite qu'on ne le croit.


Bien cordialement,


Aurélien BERNIER
version5 le 26-05-2008 à 22:58:34
Comment ne pas être d'accord ?


Reste que la volonté politique est aux abonnés absents et que ces grands dossiers ne sont pas prêts de se retrouver sur le dessus de la pile.

Décroissant a raison, il n'y a guère que deux solutions aussi insatisfaisante l'une que l'autre ...


Donc ? On fait quoi ?!
simon caribou le 22-05-2008 à 01:57:17
Je suis bien d'accord avec tout ça, le tout est de le mettre en oeuvre, et à toutes les échelles, du niveau local au niveau mondial.

Et pour celà il faut faire des actions autant au niveau individuel en évitant de tomber dans le piège de la société de consommation (ne pas changer de vêtements tout les mois car ils ne sont plus à la mode...)mais agir aussi dans des associations par des journées d'actions..
decroissant le 21-05-2008 à 15:06:44
Bonjour,


Entierement d'accord.....mais comment mettre tout cela en oeuvre quand on voit comment sont consideres par nos gouvernants les volontes / souhaits exprimes par les citoyens?

Je ne vois que 2 possibilites, mais aucune ne me satisfait: soit tout casser (...), soit attendre (50 ans? 100 ans?) que des generations plus responsables soient aux manettes. Il risque d'etre un peu tard....