Démondialiser et coopérer

Blog d'Aurélien BERNIER

posté le mercredi 28 novembre 2007

Emission "Des sous et des hommes" sur le Grenelle de l'environnement

Ecoutez l'émission du 13 novembre 2007 consacrée au "Grenelle" de l'environnement sur le site de "Des sous" :

http://dsedh.free.fr/emissions_passees.htm

 

Des sous et des hommes

Emission d'éco pédago, sur AligreFM, 93.1 FM en région parisienne
Une émission proposée et animée par
Pascale Fourier

 


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posté le mercredi 28 novembre 2007

Diaporama sur la finance carbone

 

Vous pouvez consulter ici, en format image, un diaporama sur la finance carbone que j'utilise pour des interventions.

Vous pouvez également télécharger le fichier PowerPoint à cette adresse. Il pèse un peu moins de 700 Ko.

 

 


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posté le mercredi 28 novembre 2007

La poudre aux yeux de l’évaluation des OGM

 

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) s’invitent dans l’alimentation. Que ce soit officiellement, par des autorisations délivrées sous la pression des lobbies des multinationales, ou clandestinement, par la contamination de filières alimentaires. A la racine de ce début de prolifération, l’absence de procédure indépendante d’évaluation des effets des plantes transgéniques sur la santé et l’environnement. Par Aurélien Bernier - Article paru dans Le Monde Diplomatique, novembre 2006.


Tout internaute visitant le site interministériel du gouvernement français consacré aux organismes génétiquement modifiés (OGM) peut découvrir, dans une rubrique intitulée « Evaluer un OGM avant sa mise sur le marché », le paragraphe suivant : « L’analyse des risques pour la santé et l’environnement est l’élément fondamental et préalable à toute autorisation de mise sur le marché d’OGM. Elle est fondée sur des éléments scientifiques pertinents et pluridisciplinaires, et est confiée à des comités d’experts indépendants (1) ». Si cette page subissait le test du détecteur de mensonges, les ordinateurs connectés biperaient à répétition. Ce discours se heurte en effet à la réalité de l’évaluation des OGM, dont toute l’histoire montre qu’elle n’est, dans le meilleur des cas, que poudre aux yeux.
Apparue durant la seconde moitié du XXe siècle, la transgenèse est une technologie profondément nouvelle puisqu’elle permet, pour la première fois, d’insérer artificiellement dans une cellule une construction génétique étrangère. Or, de telles applications sur des êtres vivants posent des questions sanitaires et environnementales, sans parler de considérations éthiques, qui obligent à mettre en place une évaluation spécifique de leurs impacts. Pourtant, il n’en a jamais rien été.
Aux Etats-Unis, pays pionnier en matière de manipulations génétiques, les propositions de loi visant à contrôler politiquement le développement des biotechnologies apparaissent à la fin des années 1970 (
2).
Certaines d’entre elles envisagent de créer des commissions de régulation ad hoc. Mais le Congrès prend rapidement une première décision lourde de sens : les agences fédérales existantes (
3), dans le cadre des réglementations en vigueur, suffiront à organiser la régulation. Le 26 juin 1986, le président Ronald Reagan signe un ensemble de règles connues sous le nom de Coordinated Framework for Regulation on Biotechnology Policy (cadre de coordination de la réglementation de la politique des biotechnologies) qui ouvrent la voie à la dissémination des OGM en consacrant le principe de l’« équivalence en substance » : les produits transgéniques, comparés aux produits non transgéniques équivalents sur la seule base de leur composition (nutriments présents, substances toxiques ou allergènes), ne seront soumis à aucune réglementation spécifique. Les autorités américaines décident donc d’ignorer les méthodes de production des OGM et leurs conséquences éventuelles sur l’environnement et sur l’alimentation.


Douteux système européen


Cette démarche constitue une aberration scientifique. En n’étudiant que les changements planifiés, on ne peut identifier, par exemple, une possible interaction entre la protéine fabriquée par le nouveau gène et d’autres protéines de l’organisme. Or c’est un mécanisme de cette nature qui est à l’origine de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), plus connue sous le nom de maladie de la vache folle, et de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. L’exemple tragique du tryptophane aurait par ailleurs dû suffire à disqualifier la notion fondatrice de la législation américaine : la production de cette molécule d’intérêt thérapeutique, à partir d’une bactérie génétiquement modifiée autorisée par l’Agence pour la sécurité des aliments et des médicaments (FDA), sur la base de l’équivalence en substance, a provoqué en 1989 une épidémie qui a occasionné trente-sept décès et la paralysie à vie de mille cinq cents personnes (4). Ce qui n’empêche pas cette façon de procéder de perdurer aujourd’hui encore en Amérique du Nord (5).

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur proposition des Etats-Unis, avait anticipé une extension internationale du développement des OGM. Sous son égide, un groupe d’« experts » avait rédigé un Livre bleu, publié en 1983, et intitulé Considérations de sécurité relatives à l’ADN recombiné. Son contenu se résume en une seule phrase, qui figure dans la conclusion : « Il n’y a aucune justification scientifique à l’adoption d’une législation visant spécifiquement les organismes à ADN recombinés. » L’élimination des risques de distorsion de concurrence et d’entrave à la libre circulation des marchandises doit prévaloir sur toute autre considération. En 1986, la France s’inspire de ce rapport en créant la Commission du génie biomoléculaire (CGB), chargée d’« évaluer » les conséquences de la dissémination des OGM, dont l’apparition dans les champs se profile à l’horizon. L’Union européenne aurait sans doute emboîté le pas si plusieurs événements perturbateurs n’étaient venus changer la donne : entrée de députés Verts au Parlement européen, crise de la vache folle, mais aussi premières destructions en Europe de parcelles transgéniques.


Ainsi, les directives 90/219 et 90/220, puis leur remplaçante, la 2001-2018, ne reprennent-elles pas le principe de l’équivalence en substance, et optent pour une « évaluation au cas par cas ». La pression de l’opinion aboutira également, en 2003, à l’adoption d’un règlement qui impose l’étiquetage de produits contenant plus de 0,9 % d’OGM.


A y regarder de près, le système européen est cependant d’une fiabilité plus que douteuse... Certes, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et, en France, la CGB et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) sont chargées de l’examen des dossiers d’autorisation. Mais absolument tous les éléments sur lesquels elles se fondent leur sont fournis par les demandeurs, à savoir les multinationales qui entendent commercialiser leurs produits ! Jamais aucune contre-expertise indépendante n’a été exigée. Lorsque des compléments d’information sont nécessaires, ils sont donc réclamés à Monsanto, Pioneer ou Biogemma. Dans un entretien accordé à Inf’OGM en juin 2004, M. Martin Hirsch, ancien directeur de l’Afssa, confiait d’ailleurs que les demandeurs fournissent des dossiers volontairement incomplets en espérant décourager les organismes chargés d’émettre des avis, et tirer ainsi encore un peu plus vers le bas le processus d’« évaluation ».
Comble de l’audace : lorsque l’Union européenne a été déférée en 2003 par les Etats-Unis, le Canada et l’Argentine devant l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) au sujet d’une législation sur les OGM jugée trop contraignante par les plaignants, elle a mis en avant, dans son mémoire en défense, les importantes lacunes de son propre système d’évaluation et les dysfonctionnements de l’EFSA (
6) ! Le 29 septembre dernier, l’OMC a rendu sa décision sur ce contentieux : l’Union européenne avait enfreint les règles du commerce international – les seules qui comptent pour elle – en imposant un moratoire de fait sur les OGM entre 1999 et 2003. Mais elle n’a pas été condamnée car, entre-temps, elle avait levé ce moratoire...


Parallèlement à ce processus d’autocritique – le plus discret possible, cela va sans dire –, de nombreuses variétés transgéniques ont été et sont toujours autorisées, parfois dans des conditions inquiétantes. Le fameux maïs Monsanto 863 de la multinationale a ainsi bénéficié de la complaisance de l’EFSA, puis de l’agrément de la Commission européenne, en dépit de résultats de tests toxicologiques contestables (7). En France, des actions menées en 2006 devant les tribunaux administratifs par des associations et des syndicats agricoles (le Modef et la Confédération paysanne) ont conduit à l’annulation de plusieurs autorisations d’essais de plantes transgéniques, tant les études d’impact sur l’environnement exigées par la réglementation avaient été bâclées. Ces jugements, en particulier celui du tribunal administratif de Strasbourg, rendu le 25 juillet, constituent une sanction pour les entreprises, mais ils doivent surtout être compris comme un blâme adressé à cette CGB tant vantée par les pouvoirs publics. Il est par ailleurs audacieux de qualifier d’« indépendants » les fameux « experts » qui la composent, tant les collusions entre plusieurs d’entre eux et l’industrie des biotechnologies sont avérées. Ce qui n’est sans doute pas sans rapport avec le laxisme qui prévaut lors de l’examen des dossiers (8).

Prévenir les disséminations

La conclusion s’impose : jamais les plantes transgéniques ou les aliments qui en sont issus n’ont été sérieusement évalués, ni sur le plan sanitaire ni sur le plan environnemental. Pour couronner le tout, la Banque mondiale se permet à présent, dans un rapport récent (9), de vanter les avantages économiques que le coton transgénique procurerait aux agriculteurs en prenant ses sources chez celui qui le commercialise : le semencier Monsanto !


L’absence d’outils objectifs d’expertise légitime l’opposition à la dissémination des OGM dans l’environnement et la demande d’un moratoire s’accompagnant de leur strict confinement dans les laboratoires à des fins de recherche fondamentale. Il y a urgence à reprendre de zéro tout le processus d’évaluation des organismes issus de la transgenèse, en développant un véritable service public dont la neutralité soit inattaquable, et qui, au-delà des questions scientifiques, intégrerait des paramètres socio-économiques, cruellement absents des travaux de la CGB ou de l’EFSA.


En mars 2006, le Sénat avait adopté en première lecture un projet de loi visant à mettre en conformité le droit français avec la directive européenne 2001-2018 qui, entre autres dispositions, introduit un principe de « coexistence » entre filières OGM et non-OGM. Invoquant un calendrier parlementaire chargé, le gouvernement a renoncé à le soumettre à l’Assemblée nationale à la session d’automne, et le sénateur Jean Bizet, dans un message lu à la fin des débats, a appelé de ses vœux l’élaboration d’« une véritable loi fondatrice sur les biotechnologies ».


Un tel texte est effectivement indispensable puisque, en l’absence d’encadrement, la culture des plantes transgéniques se fait de manière sauvage. Encore faut-il, à la veille des échéances électorales de 2007, que l’hostilité massive des citoyens aux OGM soit entendue pour que se dégage une proposition responsable permettant de prévenir toute dissémination dans l’environnement.

Aurélien Bernier.
Membre de la coordination régionale Vigilance OGM Poitou-Charentes ; coauteur, avec Michel Gicquel, de Transgénial !, Attac - Mille et une nuits, Paris, 2006.

(
1) http://www.ogm.gouv.fr/savoir_plus/fiches/fiche-21.htm
(2) Les références historiques sont issues d’une étude de Damien de Blic intitulée « L’intervention des acteurs sociaux dans le processus décisionnel des organisations internationales. Une approche sociologique à partir de deux études de cas », disponible au Centre de droit international de l’Université libre de Bruxelles.
(
3) United States Department of Agriculture (USDA, ministère de l’agriculture) ; Food and Drug Administration (FDA, Agence pour la sécurité des aliments et des médicaments) ; Environmental Protection Agency (EPA, Agence de protection de l’environnement).
(
4) Consulter à ce sujet le site Seeds of Deception : http://www.seedsofdeception.com/
(5) Les principes mis en œuvre aux Etats-Unis pour encadrer les biotechnologies furent rapidement copiés par le Canada. A ce sujet, voir le site de Biotech Action Montréal : http:///bam.tao.ca/fr/franc.htm
(6) Voir le site des Amis de la Terre : http://www.amisdelaterre.org/article.php3?id_article=2415
(7) Un rapport complet de Gilles-Eric Séralini est disponible sur le site du Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Crii-gen) : http://www.criigen.org/moyen_action/m_moyens_comm_press.htm
(8) Lire Bernard Cassen, « OGM, des académiciens juges et parties », Le Monde diplomatique, février 2003. Consulter également le site d’Attac France : http://www.france.attac.org/article.php3?id_article=1780
(9) Cf. Bulletin d’Inf’OGM, n° 76, juin 2006, à commander sur http://www.infogm.org/

 


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1. harfang  le 10-09-2010 à 12:25:08  (site)

Bonjour,
je viens de recevoir ce mail pour signer une pétition contre la culture OGM. Peut-être serez-vous intéressés ?

Voici le message :

La Commission Européenne vient d'autoriser la culture d'OGM en Europe, ignorant les préoccupations des citoyens. Je viens de signer une pétition appelant à une recherche scientifique indépendante et à un moratoire sur le développement des OGM. Avec 1 million de signatures, nous avons la possibilité de présenter une proposition de loi à la Commission Européenne. Signez ci-dessous et allons jusqu'à 1 million:

http://www.avaaz.org/fr/eu_gmo/98.php?cl_taf_sign=sNx2NyaM

2. Romain-V  le 10-12-2010 à 19:45:04

Bonjour
je découvre votre site aujourd'hui grâce au blog de Corinne Morel Darieux.
Je vous envoie le texte ci-dessous qui me semble toujours d'actualité.
La position défendue est un tantinet plus radicale que celle que vous exposez, si je vous ai bien lu.
/////////////////////////////////////////////////
Christian VELOT, Maître de Conférences en génétique moléculaire (Université PARIS XI),
chercheur à l’Institut de génétique et de microbiologie (Centre Scientifique d’Orsay).

"les faucheurs d’OGM sont des éveilleurs de conscience"

Les « plantes-médicaments » ne sont rien d’autre que le cheval de Troie des OGM agricoles...

lundi 11 décembre 2006
Ne pouvant être présent ce jour aux côtés de Monique Burnichon et des faucheurs volontaires, le Dr Christian Vélot
a adressé cette lettre, lue par Monique lors du débat à la MJC de Firminy.

"Chers Amis,
C’est avec grands regrets que je ne puis être parmi vous aujourd’hui pour apporter mon soutien aux faucheurs de Nonette, et à
travers eux, à l’ensemble des faucheurs volontaires.
Comme vous le savez, en tant que biologiste moléculaire, je fabrique et j’utilise des OGM toutes les semaines, dans le cadre de mes recherches fondamentales et de mon enseignement à l’Université. Et c’est justement pour cette raison que je sais à quel point il est irresponsable de
disséminer les OGM dans l’environnement et dans les assiettes, tant cette technologie est, non pas « chirurgicale » comme on essaie de nous le faire croire, mais au contraire totalement aléatoire. Il n’y a pas un seul scientifique au Monde, pas même Claude Allègre, qui est capable d’appréhender de manière exhaustive, ce que peuvent être à court, moyen ou long terme, les conséquences d’une modification génétique sur l’ensemble du métabolisme d’une plante et ses répercussions dans la
chaîne alimentaire, ou encore sur ses interactions avec l’environnement.
Il en découle des risques sanitaires et environnementaux absolument
imprévisibles. Ces risques sont bien évidemment exacerbés lorsqu’il s’agit
de « plantes-médicaments » (comme c’est la cas pour le maïs de Méristem produisant la lipase gastrique de chien destinée aux enfants atteints de mucoviscidose), car il s’agit alors de mettre la pharmacie en
plein champ, et de prendre ainsi le risque qu’une molécule qui nécessite une prescription médicale se répande dans la nature et soit consommée de façon incontrôlée par des individus ou des animaux.
Les « plantes-médicaments » nous sont présentées comme une technique
révolutionnaire pour produire des protéines d’intérêt pharmaceutique alors qu’il y a près de 25 ans que la« technologie OGM » est utilisée en laboratoire pour produire de telles protéines à visée thérapeutique
(insuline, hormone de croissance, facteurs de coagulation, vaccins, etc...)
en utilisant des cellules en culture (bactéries, levures, cellules d’insecte,
d’ovaires de hamster, ou encore plus récemment, des cellules végétales)
multipliées à grande échelle dans des fermenteurs entièrement clos. Les
« plantes-médicaments » ne sont donc rien d’autres que le cheval de Troie des OGM agricoles que l’on essaie une fois de plus de nous imposer en utilisant la vitrine médicale et en jouant de la corde sensible comme on
sait si bien le faire au pays du Téléthon. Les enfants atteints de mucoviscidose sont aux plantes génétiquement modifiées ce que les
enfants atteints de myopathie sont au Téléthon : un outil publicitaire pour
alimenter les caisses d’une usine à gaz qui, au nom de la recherche agronomique ou sur les maladies génétiques, ne sert qu’à satisfaire l’ambition malsaine d’une poignée de techno-scientifiques.
Les faucheurs d’OGM, et de « plantes-médicaments » en particulier, ne sont pas des obscurantistes, des passéistes ou des anti-science. Ils ne sont pas contre la technologie OGM en tant que telle, certains d’entre eux étant eux-mêmes des patients qui se soignent avec des
« protéines-médicaments » obtenues par cette technologie en laboratoire.
Ils sont contre les applications qui en sont faites dans l’environnement, car ils refusent que la planète soit une paillasse de laboratoire, et les consommateurs des cobayes. Les faucheurs d’OGM sont au contraire des éveilleurs de conscience qui ont alerté l’ensemble des citoyens et ainsi fait en sorte que le débat puisse exister, y compris au niveau du monde scientifique.
Les faucheurs d’OGM sont aujourd’hui sur le banc des accusés. Ils seront demain les héros d’une résistance qui refuse que l’on sacrifie l’environnement et la sécurité sanitaire au nom de pressions mercantiles
et d’idéologies scientistes. Je les soutiens de tout mon coeur et de toutes mes forces.
Bien à vous,
Christian Vélot
Docteur en biologie"
Le 10 décembre 2006
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Emission de Daniel Mermet (France Inter) : "Là-bas si j’y suis"
Leçon de choses : Les OGM
diffusée le vendredi 15 décembre 2006
Les OGM expliqués par Christian Vélot, dans son Laboratoire de recherche en Génétique Moleculaire, à Orsay.
Si vous avez le haut-débit vous pouvez Ecouter ou Télécharger :
http://www.la-bas.org/article.php3 ?id_article=1059
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posté le mercredi 28 novembre 2007

Les entreprises à la recherche de profits verts

Il suffit de lire l’édition du 24 octobre du journal La Tribune pour mesurer l’ampleur de la stratégie de récupération de la thématique environnementale par l’industrie et la finance. Les titres d’articles y sont tous plus évocateurs les uns que les autres : « Le vert vaut de l’or », « Un grenelle juteux pour les entreprises », « Comment sauver la planète sans tuer la croissance ? »… Ce numéro spécial pour le coup d’envoi du Grenelle de l’environnement est d’ailleurs titré « Cap sur la croissance verte ». Mais le meilleur est sans doute à lire dans le texte introductif. Après avoir reconnu l’importance des enjeux environnementaux, les rédacteurs estiment en effet qu’ « au développement durable, concept du siècle dernier, qui fleurait bon sa culpabilité et ses mesures inefficaces, laissant la porte grande ouverte aux écologistes les plus radicaux, succède depuis 2000 une approche plus positive qui apporte une lueur d’espoir ». Que s’est-il donc passé en l’an 2000 pour susciter autant d’optimisme ? L’arrivée au pouvoir de George W. Bush aux Etats-Unis ? Le passage aux 35 heures en France dans les entreprises de plus de vingt salariés ? Ou encore l’explosion de la bulle Internet au mois de mars, déclenchant une période de récession économique généralisée ? La Tribune ne le dit pas. Mais pour le reste, le quotidien économique nous décrit tout au long des quarante pages cette « approche plus positive » dont il se félicite. Sans accepter la moindre interrogation sur la recherche absolue de croissance ou sur la répartition des richesses, les pouvoirs économiques martèlent que les progrès technologiques permettront tout, pour peu que les entreprises bénéficient d’aides publique, qu’elles ne soient soumises à aucune taxe supplémentaire  – une augmentation de la fiscalité environnementale devant être compensée par un allègement de celle sur le travail –, et que la régulation des pollutions se fasse par les mécanismes de marché.

  

Le discours est on ne peut plus classique. Pourtant la « révolution verte » a déjà commencé, mais elle se déroule encore en coulisse. Il s’agit tout d’abord pour les grands groupes industriels de s’offrir des technologies « propres » souvent développées par d’autres, et qui viendront compenser les activités moins écologiques. Pendant plusieurs mois, le leader mondial du nucléaire Areva a bataillé avec le groupe indien Suzlon pour le rachat du constructeur allemand d’éoliennes REpower. Après que les offres aient été relevées plusieurs fois, la proie que constituait REpower début avril 2007 était valorisée cent fois le résultat d’exploitation 2006. Malheureusement pour elle, Areva a du céder. Mais elle s’est vite consolée avec l’acquisition en septembre de 51% du fabricant d'éoliennes Multibrid. Fin mars 2007, EDF annonçait le rachat via sa filiale énergies renouvelables, de 66,5% du capital de Supra, une entreprise spécialisée dans le chauffage au bois. Selon le groupe, cela lui permettra de tenir ses engagements en matière d’économies d’énergie. Derrière ces manœuvres, c’est une stricte logique de rentabilité qui prévaut évidemment. Cette goinfrerie se double d’une course aux droits de propriété intellectuelle. La société canadienne CO2 Solution, née en 1997, s’est ainsi faite la spécialiste du brevet sur les technologies anti gaz à effet de serre. Début 2007, elle détenait douze brevets dans différents pays, et avait déposé vingt-et-une demandes supplémentaires. Elle monnaye au prix fort les licences d’utilisation aux industriels, et impose même dans ses contrats d’être le fournisseur exclusif des enzymes utilisées par ses systèmes de neutralisation du CO2, s’octroyant ainsi une véritable rente.

  

Les autres acteurs de la finance ne sont pas en reste.  Depuis 2005, le marché européen du carbone est opérationnel. Il ressemble comme deux gouttes d’eau aux marchés financiers, avec ses produits dérivés, ses échanges au comptant ou à terme, de gré à gré ou sur des places organisées. Avec toutefois un véritable plus : profitant de l’alibi de la défense de l’environnement, les Etats peuvent accorder des aides déguisées aux entreprises en abondant des « fonds carbone ». Ces fonds permettent de générer, grâce aux règles du Protocole de Kyoto,  des quotas de CO2 supplémentaires en investissant dans des projets moins émetteurs de gaz à effet de serre que la moyenne. Ainsi, la Banque Mondiale gère un portefeuille de 2,2 milliards de dollars… dont près de la moitié provient de fonds publics. Les quotas générés, eux, iront in fine aux entreprises. Alors que le Protocole de Kyoto ne s’appliquera qu’au 1er janvier 2008, la spéculation sur ce marché du carbone est déjà une réalité. En investissant fin 2005 la somme de 14 millions d’euros dans la mise aux normes d’une usine coréenne et d’un site brésilien, Rhodia a généré 77 millions de quotas de CO2 valorisables à hauteur de 200 millions d’euros par an.

  

Voilà le type d’approches qui réjouit les puissances financières et que vante aujourd’hui La Tribune. Il serait urgent d’aller voir cette réalité derrière les discours officiel et de la nommer comme elle est : une arnaque pour le seul bénéfice des industriels et des investisseurs, qui ne parvient même pas à freiner l’augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre.

  

Les solutions pour agir en matière d’environnement ne manquent pourtant pas, y compris au niveau national : conditionner les 65 milliards annuels d’aides publiques aux entreprises, intégrer des critères environnementaux obligatoires et systématiques dans les 234 milliards d’euros de la commande publique, mettre en place une taxe CO2/ énergie sur les importations et sur les activités résidentes. Tout ceci sans entraver la sacro-sainte compétitivité des entreprises, en favorisant l’emploi et en dégageant des recettes pour l’action publique. Mais nous savons dores et déjà que le Grenelle de l’environnement ne retiendra jamais de telles alternatives. C’est donc à nous, citoyens, de nous en emparer et de les porter.


 


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posté le mercredi 28 novembre 2007

Le banquier et l’écolo

« La raison du plus fort est toujours la meilleure » écrivait Jean de la Fontaine au XVIIème siècle dans sa célèbre fable intitulée « Le Loup et l’agneau ». L’intérêt principal de ce texte enseigné dans toutes les écoles n’est pas la dénonciation de la violence en tant que telle, bien qu’elle y soit évidemment présente, mais la dénonciation de la justification de cette violence lorsque ceux qui l’exercent cherchent à lui donner une sorte de fondement moral.

 

Les écologistes du XXIème siècle auraient tout intérêt à se souvenir de cette fable. Car une variante moderne de l’histoire pourrait avoir comme titre « Le banquier et l’écolo ». Depuis quelques années en effet, la communauté internationale prétend résoudre la crise écologique par le marché. Il fut un temps où les gouvernements utilisaient (certes insuffisamment) des outils classiques : réglementation, contrôles, taxes sur les pollutions ou les consommations, fiscalité environnementale… Ce qui suppose une forte intervention des pouvoirs publics. En 1995, les Etats-Unis créent un « marché des permis d’émission » pour les rejets de dioxyde de soufre, le principal polluant responsable des pluies acides. Un système également désigné sous le nom de « marché de quotas négociables », ou encore de « marché de droits à polluer ». Le principe en est relativement simple. Il suffit d’attribuer aux sites émetteurs un certain volume de droits à émettre chaque année le polluant considéré. Les pouvoirs publics déterminent en fait la quantité globale de polluant qui sera autorisée et distribuent des sortes de tickets de rationnement aux entreprises en début de période. Par exemple au premier janvier de l’année. Les firmes mènent leur activité économique, et, en fin de période (par exemple au 31 décembre), elles doivent restituer autant de tickets de rationnement (les quotas)  que de tonnes réellement émises. Entre les deux, on crée un marché pour que les détenteurs de droits puissent les échanger librement.

  

Quel est l’intérêt d’un tel système ? Ses défenseurs lui trouvent deux avantages.

 

Premièrement, il permettrait de réaliser des économies en limitant l’intervention de l’Etat et en laissant les industriels aller spontanément vers les investissements les plus rentables. Imaginons deux sites polluants A et B qui ne respectent ni l’un ni l’autre le niveau d’émissions souhaité par les pouvoirs publics. Disons qu’ils dépassent chacun de 1 000 tonnes par an le maximum voulu. Mais, pour des raisons liées à la technique ou à leurs différences d’activité, l’usine A doit débourser 200 000 dollars pour baisser de 2 000 tonnes ses émissions, alors que l’usine B ne réduira que de 1 000 tonnes ses émissions avec le même investissement. Pour l’usine A, la tonne économisée coûte 100 dollars, alors qu’elle coûte 200 dollars pour l’usine B. Considérons aussi qu’une amende de 2 000 dollars est infligée pour chaque tonne de polluant émise au delà du volume de quotas présenté en fin d’exercice. Une amende rédhibitoire, donc. La logique du marché voudrait que l’exploitant de l’usine A réalise ses travaux anti-pollution en investissant ses 200 000 dollars. Non seulement il respecte les exigences, mais il dispose en plus d’un volume de 1 000 tonnes sous forme de permis qu’il peut vendre à l’exploitant de l’usine B. Au moins 100 dollars pièce pour ne pas perdre d’argent. Au plus 200 dollars pièce, car au delà, l’entreprise B aurait intérêt à réaliser ses propres travaux. En clair, l’entreprise A peut faire un bénéfice de, disons, 99 euros maximum par titre, ce que l’on appellera encore pudiquement une « valorisation de ses quotas ». Au final, chacune des entreprises est en conformité avec la contrainte réglementaire qui est uniquement de présenter autant de permis que de tonnes réellement émises.

  

Le deuxième argument qui est régulièrement avancé par les promoteurs du marché est plus amusant. Le principe des quotas échangeables serait en effet un modèle qui « parle » aux industriels, puisqu’il est calqué sur un autre, déjà couramment utilisé : la bourse. Dans un reportage consacré aux marchés de droits diffusé sur la chaîne de télévision France 3 en mai 2007[1], un spécialiste explique qu’en choisissant ce système, on s’adresse aux industriels dans leur langage. Comme si ces derniers étaient trop bêtes pour comprendre la réglementation ou la fiscalité, ce qui nécessiterait qu’on se mette à leur niveau ! Le raisonnement a quelque chose d’insultant. Et surtout de fumeux.

  

La principale raison qui explique l’émergence des marchés de droit est plutôt le renoncement des pouvoirs publics, qui osent de moins en moins imposer de contrainte environnementale en utilisant des voies réglementaires. Par connivence avec les pouvoirs économiques ou par peur réelle des délocalisations. On tente donc de contourner les difficultés en utilisant des mécanismes d’inspiration libérale. Alors que l’économie de marché a totalement échoué sur le plan de la redistribution des richesses, qui nous a pourtant été promise maintes fois et continue de l’être, on nous ressert la même recette à propos de l’environnement. Le plus étonnant reste que des écologistes renommés comme M. Alain Lipietz[2] ou Mme Dominique Voynet en arrivent à la cautionner, comme si nous pouvions nous passer d’une reprise en main de l’économie par le politique.

  

Le Protocole de Kyoto, dont l’objectif est la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, se traduit dans les faits par l’ouverture d’un marché du carbone. Les tonnes de CO2 seront allouées aux industriels, s’achèteront et se revendront au comptant ou à terme, de gré à gré ou sur des places organisées, comme de vulgaires barils de pétrole. Le marché sera international à partir de 2008. Depuis 2005, le « système européen d’allocation des quotas » fonctionne en phase de test grandeur nature.

  

Le problème est que nous ne vivons par dans le monde des Bisounours, ces gentilles peluches de dessins animés, mais dans un monde réel où les décisions politiques sont le produit de nombreux rapports de forces. Et où la raison du plus fort, comme au XVIIème siècle, est encore la meilleure. Créer un marché de quotas revient à créer un nouveau marché spéculatif sur lequel se jetteront rapidement les acteurs de la finance, non pas touchés par l’illumination du développement durable, mais bel et bien attirés par des profits potentiels. Et même si nous en sommes encore aux prémices, la spéculation sur le CO2 constitue d’ores et déjà une réalité. Le groupe chimique Rhodia a été l’un des premiers à profiter de l’aubaine courant 2005. En investissant 14 millions d’euros en travaux de dépollution sur deux usines situées en Corée et au Brésil, il a mis de côté 77 millions de quotas de CO2 valorisables à hauteur de 200 millions d’euros par an, ce qui a eu pour effet de tripler le cours de ses actions en quelques mois. Les compagnies d’assurance, les banques d’affaires, les fonds d’investissement sont parés pour s’engouffrer dans la finance carbone. La Banque Mondiale, bien connue pour ses échecs monumentaux en matière d’aide au développement, gère actuellement plus de 2,2 milliards de dollars d’actifs dédiés aux économies ou aux évitements de gaz à effet de serre. Soit environ trente-sept fois le budget annuel du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ! Ce qui n’empêchait pas la tonne de CO2 de se négocier en moyenne 12 centimes d’euros au comptant au mois de juillet 2007, à cause d’une sur-allocation de quotas par des gouvernements européens un peu trop sensibles au lobbying des industriels.

  Alors, que penser du système de droits échangeables ? Tout compte fait, un peu la même chose que des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) qui, eux, occupent le devant de l’actualité depuis que les écologistes se sont emparés de la question. Dans un raisonnement hors sol et purement théorique, les OGM ne sont que des outils, qui peuvent être mis au service de la compréhension du vivant et dont l’utilisation peut être encadrée par des règles très strictes. Dans le monde réel, ils sont synonymes de brevetage, ils se développent sans aucune évaluation sérieuse et se retrouvent être de puissants outils au service de la finance.

De la même manière, un marché de droits est un simple instrument économique. Strictement encadré et contrôlé, il pourrait éventuellement constituer une partie de solution aux problèmes d’environnement. Mais immergé dans l’ultra-libéralisme ambiant, il devient extrêmement dangereux car porteur d’attaques spéculatives, de recherche de profits faciles, voire de crises graves. Et il permet aux acteurs de la finance, comme dans la fable de La Fontaine, de donner une apparence « morale » à leurs boursicotages.

  Enfin, le marché du carbone n’est pas seulement risqué. Il est aussi inefficace. Les émissions des entreprises qui font partie du système européen d’allocation de quotas continuent d’augmenter. Elles progressent de 0,8% entre 2005 et 2006, soit une hausse de 16,4 millions de tonnes[3]. Les analystes expliquent que tout ira mieux plus tard, lorsque le marché s’élargira et deviendra plus liquide. Rengaine connue : le marché fonctionne mal car il n’y a pas assez de marché…Mais la vérité est toute autre. La finance carbone mise en place avec le Protocole de Kyoto est une solution taillée sur mesure pour les industriels et les investisseurs. Elle leur permettra au mieux d’engranger des profits, au pire de gagner du temps sur l’application de vraies contraintes environnementales qui finira tôt ou tard par devenir inévitable.

Michèle Pappalordo, présidente de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME),  déclarait au printemps 2004 : « Je considère le Protocole de Kyoto quasiment comme un miracle »[4]. Un miracle libéral, sans aucun doute.

 



[2] « Marchés de droits à polluer : où est le scandale ? », Politis n°588, février 2000. http://lipietz.net/

[3] ENERPRESSE N° 9341, 11 juin 2007.

[4] Courrier de la Planète n°72 / Les Cahiers de Global Chance n°19, « Climat, énergies, éviter la surchauffe », Avril-Juin 2004.

 


Commentaires

 

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