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Titre du blog : Démondialiser et coopérer
Auteur : abernier
Date de création : 28-11-2007
 
posté le 22-10-2008 à 17:44:00

Forum sur le site du Nouvel Obs : Ecologie et finance

 

Avec Aurélien Bernier, chargé de mission dans l´environnement, auteur de "Le Climat otage de la finance" (Mille et une nuits)

 

Question de : Elsa

Bonjour Aurélien Bernier. Je pense que l´écologie doit être au coeur du débat. L´environnement, sa défense, sa préservation, ça touche pleinement à l´humain, au bien-être de chacun de nous. Et l´humain devrait primer sur le profit. Qu´en dites-vous ? Je prêche peut-être à un convaincu, non ?

 

Réponse : Bonjour à tous et merci au Nouvel Observateur d´organiser cette discussion. Bien sûr, je considère que les questions sociales et environnementales devraient être au coeur des débats. Le développement durable, dans sa conception d´origine, avait l´objectif de trouver un équilibre entre les questions sociales, environnementales et économiques. Malheureusement, l´économie continue à dicter les décisions politiques et le développement durable reste de la poudre aux yeux. Avec le marché des droits à polluer, qui est le sujet central de mon livre, j´explique que nous entrons même dans une nouvelle phase que j´appelle l´écolo-libéralisme, puisque la finance prend la main sur la crise climatique. Pour sortir de ce cercle vicieux, je suis convaincu qu´il faut s´attaquer aux décisions politiques qui ont permis aux multinationales d´obtenir un pouvoir si insolent. En particulier, il faut sortir du libre-échange intégral afin de reprendre un contrôle politique sur les entreprises.

 

Question de : Internaute

POURQUOI LE PETROLE DOMMINE L´ACTUALITE CE L´ECOMONIE MONDIALE ?

 

Réponse : Le pétrole domine l´actualité, car notre modèle de développement est largement basé sur la consommation d´énergies fossiles. Or, le libéralisme, dans sa recherche de profits à court terme, est incapable de répondre aux besoins collectifs, aux enjeux d´avenir, tant que ces perspectives de profits faciles existent. C´est pour cette raison que le débat et la décision politique sont incontournables. Mais les trente dernières années ont montré que tout le processus de mondialisation consistait à déconstruire les systèmes de régulation qui permettraient d´orienter les choix économiques en fonction de l´intérêt collectif. Les mutations nécessaires pour amorcer le passage à l´après-pétrole sont donc très lentes, alors qu´il y a pourtant une véritable urgence. Je crois que c´est une démonstration de l´inefficacité du marché, qui prétend pouvoir gérer sans intervention de l´Etat (et donc sans intervention des citoyens) les problèmes de la société, mais qui n´y parvient dans aucun domaine.

 

Question de : David Chiron Nice

Pourquoi ne pas imposer des voitures roulant a moins de 120km/h avec des restrictions severes sur la consommation autorisee ?

 

Réponse : C´est une possibilité, même si les chiffres prêtent à discussion. Quoi qu´il en soit, le problème central est de savoir comment contraindre les grandes entreprises. On voit aujourd´hui que les gouvernements ont perdu tout pouvoir contraignant puisqu´ils sont en permanence sous la menace du chantage aux délocalisations (voir par exemple cet article sur mon blog : http://abernier.vefblog.net/5.html#Le_chantage_aux_delocalisations_des_pollueurs_en_s) Le seul moyen de briser ce cercle vicieux est de stopper le libre-échange intégral, notamment en contrôlant les importations. Si une entreprise ne peut plus vendre comme elle l´entend ses produits partout sur la planète car ces produits sont interdits ou taxés, elle sera dans l´obligation de s´adapter. Malheureusement, l´Organisation Mondiale du Commerce organise exactement l´inverse au travers de la concurrence "libre" et soi-disant "non-faussée". C´est pour cette raison que je plaide pour la sortie de l´OMC.

 

Question de : dede

Bonjour, Que pensez-vous de cette taxe CO2 qui se pratique dans les transports aériens notamment? Où va l´argent versé par les personnes qui se donnent bonne conscience en la payant? A quoi sert-elle précisément?

 

Réponse : Vous faites référence au système des compensations, que je traite dans le livre. Il s´agit de financer, en contrepatrie d´émissions de gaz à effet de serre, des projets "propres", sur la base du volontariat. En particulier, les compagnies aériennes le proposent de plus en plus. Cette idée pose deux problèmes. D´une part, les personnes qui en ont les moyens peuvent payer pour polluer en toute bonne conscience, sans limite maximum autre que celle de leur portefeuille. Mais surtout, il y a un problème temporel. Si vous faites un vol en avion, vous émettez une tonne de CO2 en quelques heures. Mais les sociétés de compensation vous feront payer une somme correspondant par exemple à une plantation d´arbres qui mettra 100 ans à absorber cette tonne de CO2. Donc, il n´y a une véritable "neutralité carbone" qu´au bout d´un siècle! Résultat : avec ce système, nous courons toujours après les émissions réelles, qui elles, ne cessent d´augmenter.

 

Question de : David Chiron Nice

Etes-vous le frere de Michelle ?

 

Réponse : Non, désolé.

 

Question de : Mobinaute

Je m´Apele hakim je veut savoir quelle est la cause de cet crise mondiale?

 

Réponse : Si vous parlez de la crise environnementale, je pense qu´elle a exactement les mêmes racines que la crise sociale. Nous vivons en fait la crise du néolibéralisme, qui se caractérise d´une part par une dimension mondialisée et d´autre part par un poids incroyable pris par la finance. Nous avons créé un immense marché planétaire largement dérégulé, et cette dérégulation a donné les pleins pouvoirs aux grand groupes. D´autre part, la finance intervient dans de très nombreux domaines. La spéculation peut porter sur les crédits immobiliers, le pétrole, les produits alimentaires... et maintenant les droits à polluer. Il faut tirer les conclusions politiques de ces crises à répétition et de la crise environnementale en particulier en réhabilitant la décision politique.

 

Question de : Internaute

Monsieur Bernier est-il au courant qu´une énergie très hautement écologiste (et gratuite), à même de remplacer à très bon prix toutes les énergies fossiles, est refusée par toutes les instances, alors que la seule qui a osé donner réponse sur le fond et la forme (une cellule innovation de Montpellier) s´est prononcé de façon formelle sur la validité de la cette technique innovante....

 

Réponse : Malheureusement, je ne vois pas à quoi vous faites allusion. Je ne peux donc pas répondre de façon précise. Désolé.

 

Question de : Internaute

l´alibi de cette crise pour ne rien faire,ca suffit,les ecolos font quoi,trop consensuel et pas dans la resistance,les pesticides autorisesa nouveau et pire,les eoliennes cadenassées,loi inique sur instalationclassée,etc,alors le paquet devrait ne pas aller au banque mais au sauvetage du vivant et creera des emlois ,le seul secteur d´avenir,pourquoi ce suicide collectif des politiques,les citoyens eux s´organisent et en on marre.

 

Réponse : Effectivement, la crise financière va servir d´alibi pour continuer dans l´inaction en matière d´environnement. Déjà, l´Allemagne, la Pologne, l´Italie rejettent le plan climat européen, qui ne contenait pourtant rien de révolutionnaire. Mon livre tente justement de convaincre que, pour faire de l´écologie, il faut absolument faire de la politique et s´attaquer clairement au libéralisme. Malheureusement, trop de mouvements écologistes tentent au contraire de dépolitiser leur discours, ce qui est une erreur fondamentale.

 

Question de : Jo

Le professeur Chorons´appelait en fait Georges Bernier. Etait-il votre père?

 

Réponse : Non, désolé. Je n´ai aucun lien, ni avec Michelle, ni avec Georges, ni avec le ministre de l´agriculture (qui s´appelle Barnier, avec un "a").

 

Question de : Internaute

En quoi le climat est-il otage de la finance ?

 

Réponse : Le climat est otage de la finance pour deux raisons. Tout d´abord, les grands groupes spéculent sur la rentabilité des solutions "vertes" (énergies renouvelables, captage du CO2, etc.) et rachètent des petites ou moyennes entreprises actives dans ce domaine. Mais ne nous y trompons pas : le principal objectif reste le profit financier et les fausses bonnes solutions sont également utilisée pour atteindre cet objectif (comme par exemple le stockage du CO2). Plus grave, le Protocole de Kyoto a mis en place une Bourse du carbone. On distribue aux entreprises des droits à polluer, et on permet l´achat et la vente de ces droits sur une place boursière. Mon livre explique comment des fonds d´investissement spéculatifs ou des industriels spéculent déjà en achetant ces droits à bas prix et en les revendant lorsque le cours monte pour dégager des bénéfices. Non seulement ce système est pervers, mais il est aussi inefficace : en dix ans, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de 35%.

 

Question de : Internaute

Comment résister aux pressions des entreprises ?

 

Réponse : Il ne s´agit pas seulement de résister aux pressions, mais bien de reprendre un contrôle politique sur l´économie. Comme je l´ai écrit plus haut, l´urgence est de mettre fin au libre-échange intégral pour casser ce chantage aux délocalisations et à la concurrence internationale qui nivelle tout par le bas. Je propose de le faire en taxant les importations sur la base de critères sociaux et environnementaux. Ensuite, nous pourrions très bien conditionner l´attribution des aides publiques (65 milliards d´euros par an en France!) et celle des marchés publics (plus de 230 milliards par an!) au respect d´engagements sociaux et environnementaux. Voici un article sur mon blog qui traite de ces questions: http://abernier.vefblog.net/1.html#_Environnement__un_levier_de_300_milliards_dans_le

 

Question de : Internaute

Comment envisagez-vous l´avenir ?

 

Réponse : L´avenir est assez sombre en ce qui concerne le climat. Il faudrait diviser par 2 les émissions d´ici 2050 nous disent les scientifiques. Or, elles ont augmenté de 35% entre 1997 et 2007. Notre seule chance est de créer un mouvement suffisamment puissant au niveau de la société pour sortir du système libéral. Je crois que cela doit passer par les urnes, et réclame du courage politique pour proposer des solutions de rupture. Je pense qu´il faut sortir de l´OMC et lancer une autre forme de construction européenne que celle de l´Union actuelle, qui est totalement acquise au libéralisme et impossible à réformer. Je vous renvoie à un nouveau mouvement dont je fais partie, et qui s´appelle le Mouvement Politique d´Education Populaire (M´PEP) : http://www.m-pep.org/ Ces questions y sont clairement posées.

 

Question de : Internaute

Comment sensibiliser l´opinion publique ?

 

Réponse : Par les livres, les forums comme celui-ci, l´activité des associations... Mais encore faut-il aborder le coeur du sujet. On nous abreuve actuellement d´informations sur le climat, mais personne ne parle par exemple de ces droits à polluer dont j´explique le fonctionnement dans mon livre. Curieux, non?

 

Question de : Internaute

Pourquoi a t on l´impression que l´enjeu du climat n´est pas pris au serieux ?

 

Réponse : Je crois surtout que la sphère politique a perdu progressivement ses capacités d´intervention sur l´économie libérale. Sans doute la question est-elle de plus en plus prise au sérieux, mais encore faut-il oser s´engager dans la rupture. Vous trouverez en réponse aux questions précédentes mon analyse sur le besoin de sortir du libre-échange. Vous pourrez également lire ce texte sur mon blog : http://abernier.vefblog.net/7.html#Les_vraies_victimes_de_la_tyrannie_libreechangiste

 

Question de : Internaute

La crise financière a-t-elle un impact sur l´environnement ?

 

Réponse : Oui, effectivement. D´une part, dans une période de crise, plus personne ne songe à mener des politiques environnementales qui pourraient menacer la compétitivité des entreprises. Les pays européens effectuent donc un spectaculaire demi-tour sur le climat en ce moment même. D´autre part, les financiers ont anticipé la récession : le prix de la tonne de CO2 sur le marché des droits à polluer a commencé à chuter. Ceci montre que nous devons sortir de la concurrence internationale débridée, car le besoin d´être "compétitif" justifie tous les renoncements. Il faut rétablir des règles.

 

Question de : Internaute

Le protocole de Kyoto sert-il a quelque chose ?

 

Réponse : D´après moi, non, pour plusieurs raisons. D´une part, les engagements de réduction (-5,2% en l´espace de 22 ans!) ne sont pas à la hauteur des enjeux. D´autre part, il n´existe aucune contrainte : si un pays ne respecte pas son engagement, il ne se passe strictement rien, aucune sanction n´étant prévue. Enfin, il introduit la mécanique perverse du marché des droits à polluer, que je dénonce dans "Le climat otage de la finance".

 

Question de : Internaute

Comment vous qualifier-vous ? Economiste, écologiste ou altermondialiste ?

 

Réponse : Pas économiste, puisque je n´ai pas cette qualification. Ecologiste et altermondialiste me paraissent restrictifs, même s´il faut bien accepter les raccourcis. Je pense surtout être républicain et vouloir une société démocratique qui défende à la fois l´intérêt collectif et l´épanouissement des individus face aux intérêts privés.

 

Question de : Internaute

Etes-vous pour la responsabilisation individuelle ?

 

Réponse : Bien-sûr, il faut se responsabiliser. Mais l´action individuelle est insuffisante. Il est frappant de constater à quel point le discours officiel en matière d´écologie focalise sur le comportement individuel et oublie la responsabilité des grandes puissances économiques et la responsabilité des choix politiques. Quand on organise le commerce international de façon à produire des volailles en France, nourries avec du soja brésilien, qui sont ensuite exportées en Afrique pour être consommées, il y a un impact terrible sur l´environnement et sur le social. Curieusement, on nous dit de fermer le robinet en nous brossant les dent, mais on parle rarement de ces choix, qui ne sont pas une fatalité : les règles de l´OMC sont des décisions politiques.

 

Question de : Internaute

Quelle est la part de responsabilité des entreprises ?

 

Réponse : Le temps imparti étant terminé, je vous invite à consulter mes réponses aux précédents message... Merci pour cette discussion par ordinateur interposé et bonne continuation à tous. Aurélien BERNIER

 

Question de : Internaute

Est-on obligé de légiférer et d´imposer des taxes pour préserver l´environnement ?

 

Réponse : Je pense que oui. Le discours qui nous a été servi avec le développement durable consistait à dire d´une part que les entreprises pouvaient s´auto-responsabiliser, et d´autre part que la science était là pour réparer. Soyons pragmatiques, et regardons l´état de la planète depuis que les entreprises font du développement durable : quasiment tous les indicateurs se dégradent à une vitesse affolante. Il faut réguler et taxer. D´ailleurs, le monde de l´entreprise (je veux parler des entreprises à taille humaine et non des multinationales) fait une erreur d´analyse en refusant en bloc l´intervention de l´Etat. Au contraire, il faut une intervention pour protéger d´une concurrence internationale profondément faussée. Quand du textile chinois produit dans des conditions déplorables est importé avec un minimum de taxes, c´est l´entreprise qui paie correctement ses salariés et qui respecte l´environnement qui est pénalisée. L´Etat peut permettre d´inverser la tendance avec ce type d´outils.

 

Question de : Internaute

Faut -il acheter des produits bio ou commerce équitable pour contribuer à la préservation de l´environnement ?

 

Réponse : C´est un moyen d´agir. Mais ce type d´action a deux limites : il ne joue qu´à la marge (le bio et le commerce équitable sont une goutte d´eau) et il est réservé aux personnes qui en ont les moyens. Je pense qu´il faut, en plus de cela, militer pour un commerce équitable à l´échelle de la planète. Il faut d´autres règles commerciales. Je vous invite à lire la Charte de la Havane, qui faillit entrer en application à la fin de la seconde guerre mondiale, et qui avait cet objectif. Malheureusement, les libéraux s´y sont opposés. Voici un texte à ce sujet: http://www.m-pep.org/spip.php?article607

 

http://forums.nouvelobs.com/1464/Aurelien_Bernier.html