Les premiers travaux d’économie préfigurant la notion de taxe environnementale remontent à 1920, quand l’économiste britannique Arthur Cecil Pigou publie The Economics of Welfare [économie du bien-être], ouvrage dans lequel il traite des « externalités » ou « effet externe » d’un acte de production ou de consommation. L’auteur prend pour exemple les escarbilles produites par les locomotives à vapeur : des morceaux de charbon incandescents qui s’échappent parfois des cheminées et déclenchent des incendies de forêts ou de champs à proximité des voies ferrées. Pigou considère qu’une taxe sur les dégâts, infligée à la société des chemins de fer, inciterait à l’installation de dispositifs anti-escarbilles et permettrait de limiter les préjudices. Ce raisonnement pose les bases de l’économie de l’environnement et du principe « pollueur-payeur ».
Quarante ans plus tard, un autre économiste britannique, Ronald Coase, critique les thèses de Pigou. Avec quelques décennies d’avance sur les négociations de Kyoto, il offre un argumentaire en or pour les firmes polluantes souhaitant échapper aux contraintes des pouvoirs publics et « laisser faire le marché ». Coase conteste l’efficacité des taxes « pigouviennes » au motif qu’elles induisent des coûts de transaction liés à l’intervention de l’Etat. D’après lui, l’optimum économique serait atteint si les victimes des incendies négociaient directement avec la société des chemins de fer. Il prétend que si une firme possédait les chemins de fer et les zones alentour, elle règlerait d’elle-même le problème par un calcul d’optimisation interne. Selon le théorème de Coase, d’un point de vue économique, la définition des droits n’a pas d’importance : il est indifférent de considérer que le propriétaire des champs ou des forêts possède le droit de ne pas être victime d’incendies, ou bien que, à l’inverse, la société des chemins de fer dispose du droit de les provoquer.
Pourtant, dès 1970, face à une pollution atmosphérique persistante, les Etats-Unis décident de fixer des normes très strictes sur les rejets de polluants et révisent à cette fin une loi fédérale dite « Clean Air Act ». Deux ans plus tard, le Club de Rome, organisation internationale réunissant scientifiques, économistes, fonctionnaires et industriels, publie un rapport intitulé « Les limites de la croissance » (1), qui prévoit un futur assez catastrophique si les humains ne prennent pas en compte rapidement la dimension environnementale. L’hypothèse d’une relation entre la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère et le changement climatique émerge ; les débats sur l’effet de serre deviennent de plus en plus présents dans la société.
Malgré cette prise de conscience, une victoire idéologique des libéraux s’amorce au début des années 90. Devant l’incapacité des zones urbaines à respecter le « Clean Air Act », le gouvernement américain, après différents assouplissements, décide de mettre en œuvre un système d’échanges de droits d’émission. Ce système s’inscrit dans un nouveau programme intitulé « Acid Rain » (pluies acides) qui fixe des objectifs de réduction des émissions de dioxyde de soufre (SO2), responsable des pluies acides. Le dispositif délivre aux cent dix installations les plus polluantes des autorisations à émettre du SO2, puis leur permet l’échange libre de ces droits sur le marché.
Le pari est fait que les améliorations auront lieu en priorité là où les coûts d’investissement pour les réaliser sont les plus faibles, et que les surplus d’autorisations ainsi générés seront vendus aux exploitants émettant au-delà du volume qui leur a été attribué. De très fortes amendes sont prévues pour sanctionner une firme qui ne présenterait pas en fin d’année autant d’autorisations que de tonnes de SO2 libérées dans l’atmosphère.
En apparence, ce système respectait les préconisations de Ronald Coase en laissant fonctionner le jeu du marché. « Acid Rain » aboutit à un véritable succès du point de vue des rejets de SO2 : l’objectif chiffré de réduction des émissions de 40 % par rapport à la situation de 1980 a été atteint et même dépassé. Pourtant, à y regarder de plus près, il serait malhonnête d’attribuer cette réussite au marché.
Tout d’abord, le renforcement de la règlementation auquel s’ajoutait un système de contrôle en continu des polluants en sortie de cheminées, a poussé bon nombre d’exploitants à anticiper les travaux de mise aux normes. De plus, l’industrie du charbon a développé des produits à faible teneur en soufre, moins émetteurs de SO2, qui sont devenus compétitifs. Ces deux phénomènes expliquent en grande partie la forte baisse des émissions, les échanges sur le marché n’intervenant qu’à la marge (2). Enfin, les effets secondaires sont loin d’être négligeables. Le pouvoir calorifique inférieur du nouveau charbon moins soufré impose d’en consommer une plus grande quantité… ce qui augmente mécaniquement les émissions d’un autre polluant : le dioxyde de carbone !
Mais les tenants de la non-intervention de l’Etat feront mine de ne retenir qu’une chose : le marché de quotas est efficace, il peut donc être généralisé. Créé en 1988 à la demande du G7, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) tente d’alerter les décideurs sur les conséquences du réchauffement climatique en publiant des rapports. En 1992, la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) est ouverte à ratification, et recevra une réponse favorable de la quasi-totalité des états. Elle affiche comme objectif de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère », sans toutefois indiquer d’objectifs chiffrés ni de moyens. Cette phase opérationnelle est renvoyée à un traité « fils », le Protocole de Kyoto, dont les premières négociations débutent en décembre 1997. Le cadre des Nations unies imposant l’unanimité, la bataille est rude entre pays industrialisés et pays en développement. Il faudra près de quatre ans pour aboutir, le 10 novembre 2001, aux Accords de Marrakech – traduction juridique du Protocole de Kyoto.
Le retrait des Etats-Unis, à l’issue d’un vote au cours duquel près d’une centaine de sénateurs américains se sont prononcés contre la ratification (et aucun pour…), a fait chuter à 40 % des émissions mondiales le gisement de gaz à effet de serre (GES) ciblé. L’engagement global de réduction de 5,2 % par rapport au niveau de 1990, à l’horizon 2012, contenu dans le Protocole de Kyoto, correspondait donc à une baisse de 2 % des rejets annuels de GES sur la planète. Si l’on ajoute qu’au moment où se négociaient les modalités de mise en œuvre, les émissions étaient déjà inférieures de 4,8 % à celles de 1990 (3), l’ambition réelle du Protocole se limite à une diminution de 0,16 % des tonnages de GES rejetés dans l’atmosphère ! Ce chiffre n’apparaît bien sûr nulle part dans les communications officielles tant il peut paraître ridicule comparé aux enjeux.
En contrepartie de cette minuscule concession, le lobby des plus gros pollueurs a pu obtenir des mécanismes dits « de flexibilité » dont il pourra tirer un maximum de bénéfices.
Le premier outil est ce fameux marché de « permis d’émissions négociables » imposé par les Etats-Unis, au prétexte que leur expérience sur le SO2 a fonctionné. Peu importe que le territoire concerné ne soit plus homogène, que le nombre de sites émetteurs soit sans commune mesure avec le nombre de centrales au charbon américaines, ou encore que le Protocole de Kyoto ne s’appuie sur aucun cadre réglementaire commun.
Chaque Etat inscrit à l’Annexe B (4) définira donc un plan d’allocation des quotas permettant de distribuer, comme au début d’une partie de Monopoly, le volume de droits à émettre du CO2 à ses installations les plus polluantes (5). Bien entendu, les gouvernements ne s’abaisseront pas à faire payer ces quotas aux industriels, ce qui aurait généré des recettes fiscales permettant de mener des politiques publiques ambitieuses en faveur de l’environnement. Il s’agit donc réellement de « droits à polluer », cette gratuité supposant que l’environnement appartient par défaut à ceux qui lui portent atteinte.
Une fois les comptes-carbone crédités, les entreprises ne sont plus soumises qu’à une obligation : restituer à la fin de la période de fonctionnement autant de quotas que de tonnes de CO2 produites. Cette « restitution » prend la forme d’une simple opération comptable. Affectées au passif des sociétés, les émissions annuelles doivent être équilibrées par le volume de quotas initialement attribué, augmenté des achats et diminué des ventes.
La réalisation de projets économes en gaz à effet de serre (implantation d’éoliennes, captage de méthane issu de décharges, substitutions de combustibles, développement de la filière bois, etc.) peut aussi permettre un transfert de quotas entre signataires du Protocole. Il s’agit de la mise en œuvre conjointe (MOC), dans laquelle le pays hôte cède une part de ses quotas aux investisseurs en proportion des émissions évitées.
Mais les pays en développement, avec à leur tête le Brésil, ont obtenu que les Etats non inscrits à l’Annexe B puissent également accueillir de tels projets, qui présentent pour eux l’intérêt d’attirer de nouveaux capitaux étrangers. Dans ce cas, puisque le pays hôte n’a pas d’engagement au regard du Protocole de Kyoto, le volume annuel de GES évité donne lieu à la création de nouveaux crédits baptisés URCE (unités de réduction certifiée des émissions). Sur le marché mondial, cette opération revient donc à augmenter la masse de monnaie-carbone. Comme pour la MOC, les crédits URCE sont attribués gratuitement par les Nations Unies aux investisseurs, qui pourront soit les utiliser pour respecter leurs engagements s’ils sont concernés par un plan d’allocation, soit les vendre sur les marchés, au même titre qu’un quota alloué par un Etat. Cette formidable idée prend le nom de « Mécanisme de développement propre » (MDP) et permet de ne plus avoir à s’inquiéter de la rareté des quotas, dont le réservoir devient extensible à souhait.
Enfin, les parties sont invitées à étendre ces dispositifs à des secteurs non couverts par l’allocation des quotas. Les « projets domestiques », pour lesquels le gouvernement français a fixé au printemps 2007 un cadre réglementaire (6), offrent un accès au marché à des exploitants faiblement émetteurs, privés ou publics, ainsi qu’aux secteurs agricoles et du transport, en contrepartie d’investissements contribuant à diminuer les rejets ou à absorber le dioxyde de carbone.
Le Royaume-Uni va plus loin, puisqu’il travaille actuellement sur un texte de loi visant à attribuer un volume de quotas à chaque personne adulte. Cette quantité de droits, créditée sur une carte à puce, serait débitée à chaque consommation d’énergie primaire : plein d’essence, remplissage d’une cuve de fuel, règlement d’une facture d’électricité… Une fois le solde épuisé, il faudrait payer au prix fort le rechargement de la carte de crédit-CO2, ou bien acheter des unités supplémentaires sur le marché.
Pour préparer la phase d’application du dispositif prévu dans le Protocole de Kyoto, qui concerne la période 2008-2012, l’Union européenne a lancé, dès 2005, son propre marché du carbone. Les deux premières années de fonctionnement sont très riches d’enseignements et dévoilent tous les risques encourus avec l’application de recettes aussi libérales.
Le marché européen du carbone est calqué sur le fonctionnement des marchés financiers. Les échanges peuvent se faire soit directement entre détenteurs de quotas (« de gré à gré »), soit sur des places financières organisées (Bourses de CO2) qui permettent de faciliter et de sécuriser les transactions. Ces dernières se font soit au comptant, soit « à terme », c'est-à-dire à une date de livraison déterminée à l’avance. Ainsi, on peut suivre l’évolution de deux prix différents pour le carbone : le prix de la tonne au comptant (dit « SPOT »), et le prix de la tonne livrée en décembre 2008 (dit “ Futures ”).
Après avoir oscillé entre 20 et 30 euros pendant près d’un an, le prix SPOT s’est effondré au printemps 2006, avec la publication d’un premier bilan des émissions réelles des entreprises. Ces résultats ont montré à quel point l’attribution de quotas par les gouvernements a été généreuse, ce qui n’est en rien surprenant puisque les plans se sont appuyés sur les prévisions des industriels. Courant septembre 2007, le prix du CO2 touchait le fond, à cinq centimes d’euros la tonne au comptant, ce qui couvre tout juste les coûts de transaction.
La logique qui sous-tend les investissements liés à l’effet de serre est clairement une logique de rentabilité. De nombreux fonds carbone sont créés pour gérer les portefeuilles de quotas, en particulier ceux délivrés via les projets MDP. La Banque mondiale est le premier gestionnaire d’actifs carbone (7). En France, la Caisse des dépôts et consignation est en même temps chargée de la tenue du registre national des quotas et gestionnaire du Fonds carbone européen, qu’elle a pris soin de loger… dans une Sicav luxembourgeoise.
Il n’est pas nécessaire d’effectuer de longs calculs pour comprendre pourquoi la course aux projets MDP est d’ores et déjà lancée. Compte tenu des niveaux d’équipement et des différences de coût de main d’œuvre, économiser une tonne de CO2 en Europe demande un investissement de 80 euros. En Chine, la même tonne évitée coûte en moyenne… 3 euros (8). Ce mécanisme constitue donc non seulement une formidable réserve de quotas, mais qui plus est, les soldes y ont lieu toute l’année… Dès lors, personne ne trouvera étonnant que les entreprises des pays développés préfèrent investir en Chine pour créer des activités économes en GES ou moderniser des installations existantes plutôt que de réduire leurs propres émissions. De plus, en abondant des fonds carbone avec de l’argent public, les Etats ont la possibilité d’accorder des aides déguisées aux entreprises, puisque ce sont elles qui bénéficieront au final des quotas nouvellement créés.
Selon certains analystes, les projets MDP devraient générer d’ici 2012 un volume de nouveaux quotas équivalent aux émissions de GES cumulées du Canada, de la France, de l’Espagne et de la Suisse. En 2006, plus de 40 % du marché mondial du carbone était constitué d’URCE (9), une partie d’entre elles étant d’ailleurs attribués de manière totalement abusive à des projets qui ne le justifient pas (10).
Quant aux bénéficiaires, ils restaient les pays les plus attractifs pour les investisseurs. Selon la Banque mondiale, la Chine et l’Inde pesaient à elles seules 73 % des URCE et les projets qu’elles accueillent se comptaient par centaines. Le continent africain dénombrait à peine plus d’une trentaine de projets, et 80 % des crédits se concentraient sur trois pays : Afrique du Sud, Egypte et Tunisie. Nous sommes donc très loin des bonnes intentions qui parsèment les publications officielles, qu’elles fassent état de protection de l’environnement, de transfert technologique ou d’aide au développement durable.
Dans un diaporama mis en ligne sur un site gouvernemental, le groupe Lafarge décrit « les facteurs clés de succès pour les projets MDP » de la façon suivante : « Réaliser des projets simples ; éviter les procédures longues et coûteuses ; comprendre et anticiper les critères d’évaluation du risque ; chercher des possibilités de réplicabilité (sic) du projet ; obtenir des appuis forts dans le pays hôte (11). »
Au-delà du cynisme des grands groupes, l’ambiance générale sur les marchés liés au changement climatique rappelle la période d’euphorie qu’ont connu les nouvelles technologies de l’information. Une véritable bulle spéculative se forme autour des procédés économes en CO2 et générateurs de quotas valorisables. Le Français Areva a bataillé plusieurs mois avec le groupe indien Suzlon pour acquérir le premier fabricant d’éolienne allemand, Repower, sans parvenir à ses fins. Début avril 2007, la société était valorisée cent fois son résultat d’exploitation 2006, qui dépasse les douze millions d’euros. Pour la filiale environnement d’EDF, l’introduction du titre en Bourse a réussi au-delà de toutes les espérances. En moins d’une heure et demie, l’action gagnait 20 %, et la cotation en fin de journée s’élevait à six fois le chiffre d’affaires. En février 2007, l’électricien renforçait son positionnement sur le marché du renouvelable en achetant 66 % du capital de Supra, spécialiste du chauffage au bois.
Quant au groupe Rhodia, il s’est livré ces dernières années à un autre genre d’exercice. Secouée par les scandales, la société frôlait en 2003 le dépôt de bilan. La direction décide alors de miser sur le carbone. En novembre 2005, elle annonce la rénovation de deux usines situées l’une en Corée, l’autre au Brésil. En effectuant 14 millions d’euros de travaux sur ces usines, Rhodia va obtenir des quotas de CO2 (77 millions de tonnes) valorisables à hauteur de 200 millions d’euros par an ! Le titre progresse de 14 % dans l’heure qui suit (12). Le fonds carbone dans lequel seront placés les titres sera géré en partenariat avec la Société Générale.
Alors que les banques d’affaires comme Lehman Brothers ou les réassureurs comme Swiss-Re commencent tout juste à inciter les investisseurs à s’engager dans la finance carbone (13), nous ne sommes qu’au début d’un processus spéculatif dont les dangers sautent déjà aux yeux. La manière dont se profilent les négociations internationales pour l’après-2012 est très inquiétante. Les parties au Protocole semblent en effet prêtes à de nombreuses concessions pour obtenir cette fois l’accord des Etats-Unis. Or, la stratégie américaine pourrait être de décrocher, à la place d’objectifs absolus de réduction des émissions, soit des engagements non contraignants, soit des objectifs exprimés en « intensité carbone », qui reflète le contenu en CO2 de la croissance. Dans ce deuxième cas, le référentiel deviendrait la quantité de dioxyde de carbone émise par point de produit intérieur brut (PIB), ce qui aboutirait à ranger définitivement les politiques de lutte contre le changement climatique au rayon des décorations.
Il reste donc peu de temps pour réagir et les cautions apportées par certains écologistes ne favorisent pas la prise de conscience. Quand Mme Dominique Voynet, ancienne ministre de l’environnement, estime que « le piège a été de croire que les échanges de droits d’émission constituaient un mécanisme libéral (14) » ou quand M. Alain Lipietz, député européen Vert, se félicite du système des permis négociables (15), ils se risquent à justifier l’injustifiable.
Or, aucune solution efficace ne peut vraisemblablement exister sans remettre en cause les systèmes de production et les règles du commerce international, en instaurant par exemple de nouveaux droits de douane qui intègreraient le contenu énergétique et carbonique des produits d’importation. Ce dispositif se situerait à l’opposé d’une logique protectionniste, les recettes étant utilisées pour mettre en œuvre des projets réellement durables dans les pays en développement, en confiant leur réalisation à des entreprises locales ou à des entreprises conjointes dont les capitaux proviendraient majoritairement du pays hôte.
Cette taxe mixte carbone/énergie devrait aussi s’appliquer aux activités industrielles résidentes. Dans ce cas, les recettes pourraient alimenter pour moitié le budget de l’Etat et autoriser des politiques publiques ambitieuses en matière d’environnement. L’autre moitié serait placée sur un compte individualisé de l’entreprise, réservé à l’investissement dans des technologies lui permettant de réduire ses émissions. Enfin, un conditionnement efficace des aides publiques devrait compléter le dispositif. En d’autres termes, pour répondre à l’échec de Coase et aux enjeux de la crise environnementale, nous devons réinventer Pigou.
AURELIEN BERNIER
Auteur de Les OGM en guerre contre la société (Attac, Mille et une nuits, Paris, 2005) et co-auteur de Transgénial ! (Attac, Mille et une nuits, 2006).
(1) Publié en 1972 sous le titre Halte à la croissance ? Rapports sur les limites de la croissance, Fayard, Paris.
(2) Olivier Godard, « L’expérience américaine des permis négociables », dans la revue du CEPII, n° 82, 2000. Voir aussi la chronique économique de Bernard Girard, « Le marché des droits à polluer », http://www.bernardgirard.com/
(3) Pierre Cornu, Courrier de la Planète / Cahiers de Global Chance, Paris, avril/juin 2004.
(4) L’Annexe B du Protocole établit la liste des états visés par ces engagements de réduction : il s’agit uniquement des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et des pays d’Europe de l’Est « en transition vers une économie de marché ».
(5) Les gaz à effet de serre ciblés par le Protocole de Kyoto sont au nombre de six : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), l'hexafluorure de soufre (SF6), les hydrofluorocarbures (HFC) , les hydrocarbures perfluorés ou perfluorocarbures (PFC). Une conversion permet de ramener toutes les émissions en « équivalents CO2 », le dioxyde de carbone étant le principal responsable de l’effet de serre et, par conséquent, l’unité de référence.
(6) Arrêté publié le 8 mars 2007 au Journal Officiel ; http://www.actu-environnement.com/.
(7) Fin juillet 2007, la Banque mondiale gérait onze fonds carbone pour un montant de 2,23 milliards de dollars. La contribution moyenne des gouvernements y est d’environ 50 %.
(8) Annie Vallée, Economie de l'environnement, Points Economie, Paris, 2002.
(9) Banque Mondiale, “State and Trends of the Carbon Market 2007 ”, mai 2007. Le chiffre cité correspond aux échanges exprimés en tonnes de CO2.
(10) Un rapport interne au comité d’évaluation des projets MDP dévoile les grandes largesses des cabinets d’audit privés chargés d’analyser le contenu des dossiers vis à vis des industriels qui les présentent. Voir l’interview d’Axel Michaelowa, (7 juin 2007) : www.lemonde.fr.
(12) Libération, Paris, 10 novembre 2005.
(13) Lehman Brothers a publié début 2007 un rapport intitulé « Le marché du changement climatique » dans lequel la banque recense les « défis » et les « opportunités » pour les entreprises. Voir aussi www.swissre.com, rubrique « Climate Change ».
(14) Courrier de la Planète / Cahiers de Global Chance, avril/juin 2004.
(15) http://lipietz.net/.
Commentaires
Bonjour,
Le verre n'est pas à moitié plein : entre 1997 et 2007, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de 35% !
Le investissements ne sont pas fait en priorité pour polluer moins, mais pour bénéficier de plus-values sur le marché du carbone. Car, le problème principal n'est pas comme vous le dites le volume de quotas attribué par les Etats. Le problème principal est d'avoir autorisé la présence sur ce marché des acteurs de la finance qui ont provoqué la crise que nous vivons actuellement, ce qui ouvre la porte à toutes les manoeuvres spéculatives.
La tonne de carbone a perdu les deux-tiers de sa valeur sur les marchés depuis l'automne 2008, car les acteurs savent que l'activité industrielle va encore baisser. Dans ces conditions, il est impossible d'avoir une politique pérenne de lutte contre le changement climatique.
Bien cordialement,
Aurélien Bernier
Bonjour,
Je trouve que le problème des quotas carbone est assez bien expliqué sur ton site, et pourrait même être un formidable argument pour leur mise en place si tu regardais du coté du verre à moitié plein : plusieurs société ont investis des millions pour polluer moins, ce qui est le but je crois ? ca c'est positif.
Le maillon faible du dispositif, c'est le volume des quotas attribués pour les industriels par l'état : il faut que ce volume diminue d'année en année pour les obliger à polluer toujours moins. Ainsi les prix vont monter, et la pollution baisser. Si on ne fait rien, les industriels vont continuer à polluer, ca ne coute rien !
A+
Bonjour,
Après sa période de gloire, l'altermondialisme s'essouffle justement à cause de cette absence de débouché politique.
Pourtant, la tâche n'est pas si simple. Comme l'a montrée l'affaire des collectifs unitaires, un parti qui permette ce débouché devra compter avec les intérêts des organisations en place, qu'elles soient politiques ou syndicales.
Comme vous, je pense que bien des choses peuvent nous rassembler, mais ce "nous" doit être un "nous" de citoyens, ouvert sur l'extérieur, plutôt qu'un "nous" de militants accrochés à leurs appareils.
Il faut alors poser les questions sans tabous et sans craindre, effectivement, de ne pas être suivis. Le libre échange a t'il un sens? Peut-on vouloir changer de système et rester dans l'OMC? L'Union européenne est-elle réformable ou bien faut-il en envisager la sortie pour construire cette autre Europe que nous voulons?...
Le programme de gouvernement que vous évoquez devra répondre à ces questions, ce qui n'a jamais été fait jusqu'alors. C'est seulement de cette façon qu'il obtiendra la crédibilité qui échappe de plus en plus au mouvement altermondialiste. Selon moi, il devra aussi parler de contrôle des changes, de droits de douane, de nationalisations et d'encadrement des prix.
Pourtant, loin de s'ancrer dans le passé, il doit mettre en oeuvre un véritable développement durable, qui lui non plus n'a jamais encore vu le jour. Après avoir énoncé que le social, l'environnement et l'économique doivent être pris en compte, il faut enfin établir des priorités. La toute première doit être la satisfaction des besoins sociaux. Mais le progrès social se doit d'être transmissible, et doit donc tenir compte de la contrainte environnementale. Dès lors, l'économique devra se soumettre à ces choix de société.
Je pense qu'un mouvement de fond qui irait dans ce sens serait capable de transcender une partie des clivages politiques. Ma seule objection serait donc : pourquoi attendre 2012?
Bien cordialement,
Aurélien Bernier
Mais créons donc ce "parti altermondialiste" !!
Les idées sont là, les hommes et les femmes sont là, tout est là sous nos yeux !
La vraie idéologie c'est de croire que l'on ne serait pas suivi...
J'ai déjà passé en revue les problématiques économiques, environnementales, institutionnelles, sociales, philosophiques et j'en passe...encore une fois tout est là !!!
Commençons à réunir les gens. Parlons sans arrêt de la création de ce parti. Faisons une synthèse de ce qui nous rapproche. Elaborons un programme politique. Présentons nous aux élections de 2012. Changeons la face du monde...
Bonsoir,
J'ai lu avec intérêt l'article auquel vous me renvoyez.
Votre conclusion est éloquente :
"Au final, les citoyens ne voient plus où trouver des alternatives crédibles. Ils votent et s’engagent par défaut. Nous devons rapidement nous attacher à combler ce vide idéologique et à faire émerger un mouvement qui, en tapant là où ça fait mal, crée l’enthousiasme sans lequel nous ne pourrons rien changer." ...
Je vois aussi bien, me semble-t-il, la nuance que vous faites, et qui me semble très judicieuse, entre le consommateur et le citoyen ! Reste que le citoyen n'est pas préparé ...
Son instruction a été réduite à une peau de chagrin ; son habitude de l'effort intellectuel passée par pertes et profit ; son devoir de résistance "taxé" de politiquement incorrect ... comment le citoyen peut-il faire face ? Et quel "parti" aura le courage de combler ce "vide idéologique" pour répondre aux mal-être grandissants de pans entiers de la population.
Là, tout de suite, qu'est-ce qui peut, ne serait-ce qu'un instant, retarder ces "groupes", ces "think tanks" qui redessinent les contours d'un monde où ils seront les seuls gagnants ?
Cordialement,
Vee (http://version5.vefblog.net)
Bonjour,
Je crois comme je l'ai écrit par ailleurs qu'il faut passer à une autre phase de mobilisation.
Depuis une dizaine d'années, le mouvement altermondialiste élabore une critique du système néolibéral. Cette critique est indispensable. Elle peut et doit toujours être affinée et remise à jour.
Mais au delà, nous devons élaborer des alternatives crédibles, qui puissent donner de l'espoir en proposant autre chose.
Ceci ne peut à mon sens être porté que par le citoyen. C'est lui qui va collectivement influencer le politique, alors que le consommateur influence souvent individuellement l'économique. Je suis d'accord avec le fait que les choix de consommation ont du poids, mais je pense que ce poids n'est pas suffisant, et que l'enjeu d'aujourd'hui est réellement la soumission de l'économique au politique.
Je vous renvoie au texte ci-dessous, qui donne quelques pistes :
http://abernier.vefblog.net/4.html#Le_libreechange_arme_de_destruction_massive_de_len
Bien cordialement,
Aurélien Bernier
Bonne question ! Scandaleuse réalité.
Une autre question : comment se faire entendre des seules personnes qui détiennent l'ultime pouvoir : les consommateurs-citoyens ...
Car "on" écoute ... "on" commence à s'informer et puis on se fatigue. Tout cela représente trop d'efforts, de changements de pratiques ... "On" en exige déjà tant de nous!!