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Titre du blog : Démondialiser et coopérer
Auteur : abernier
Date de création : 28-11-2007
 
posté le 02-03-2010 à 11:11:23

Il faut sortir de l'Organisation mondiale du commerce

 

 

Article paru dans L'écologiste, hiver 2009. 

 

 

La phase « néolibérale » du capitalisme qui s'est construite dans la seconde moitié du vingtième siècle se caractérise par deux grandes tendances : d'une part la réorganisation de la production, de la distribution et de la consommation à l'échelle planétaire et, d'autre part, l'expansion incroyable de la finance internationale. L'Organisation mondiale du commerce (OMC), et avant elle l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), ont joué un rôle déterminant dans la création de ce grand marché dérégulé, en faisant d'un concept, le libre-échange, une valeur suprême qui s'impose aux États.


On peut faire crédit aux ultralibéraux qui forgèrent ces politiques d'avoir su anticiper le cours de l'histoire. Le GATT créait par exemple son groupe de travail « commerce et environnement » dès 1971, soit un an avant la toute première conférence internationale sur les écosystèmes à Stockholm. Le but? Empêcher, déjà, que des mesures de protection de l'environnement ne viennent entraver le commerce. Depuis, grâce à d'importants mouvements de contestation, les objectifs poursuivis par l'OMC sont apparus plus clairement aux citoyens. Mais sa ferveur libre-échangiste n'a pas faibli pour autant. En 2008, alors que la crise alimentaire mondiale ravageait des pays entiers, ses dirigeants appelaient encore à une libéralisation accrue des échanges agricoles et à la finalisation de son cycle de négociations de Dohai. Et conspuaient de façon préventive toute tentation de protectionnisme. C'est encore la libre concurrence défendue bec et ongles par l'OMC qui s'impose dans les débats sur le climat avec les résultats que l'on connaît : capitalisme vert, marchés de droits à polluer... et augmentation des gaz à effet de serre.


Dans ces conditions, espérer une réforme de l'intérieur qui mettrait le commerce au service des hommes est aussi illusoire que de croire à une moralisation spontanée du capitalisme. Tous les événements récents montrent que l'OMC n'est plus réformable. Les États qui souhaiteront mener des politiques alternatives devront la quitter. Cette rupture sera difficile, et nous ne devons pas le nier. Mais il existe déjà des fondements politiques et des solutions techniques pour une alternative crédible. Élaborée en 1948 par 53 États, la « Charte de la Havane » visait à établir des relations commerciales harmonieuses, basées sur la coopération et non sur la concurrence. Elle fut enterrée par les États-Unis, qui défendirent leurs intérêts en faisant l'apologie du libre-échange, mais pourrait très bien être remise au goût du jourii.


Concrètement, réformer le commerce international pour permettre l'autonomie des peuples et des échanges équilibrés entre États passe par deux catégories de mesures tout à fait indissociables. D'une part, des mesures de protection des économies nationales : quotas, interdictions de certaines importations, taxes sur les échanges commerciaux en fonction de critères sociaux et environnementaux. Elles ont pour but de relocaliser l'économie, de la placer sous contrôle démocratique pour la contraindre à respecter des règles définies collectivement. Mais puisqu'il n'est pas question de pénaliser les habitants des pays exportateurs les plus pauvres, il faut bâtir en parallèle un ambitieux programme de solidarité internationale. Les États riches qui instaureraient ces nouveaux outils devraient annuler la dette des pays du Sud, rembourser la dette écologique qu'à contracté le Nord vis à vis du reste de la planète, et créer un statut de réfugié pour accueillir les migrants climatiques. C'est bien cette logique internationaliste qui doit guider la restructuration du commerce mondial, dans le respect des valeurs de la Charte de la Havane.


Il s'agirait donc d'un double mouvement : sortir de l'OMC et ouvrir dans le même temps une convention pour ces nouveaux accords commerciaux et de coopération. Il suffirait de quelques États courageux pour y parvenir, le nombre et la puissance de ces pays important moins que le fait de passer à l'action et de redonner l'espoir du changement.


Deux rencontres importantes vont marquer la fin de l'année 2009 : la conférence ministérielle de l'OMC à Genève, du 30 novembre au 2 décembre, et le sommet de Copenhague sur le climat, du 7 au 18 décembre. Pour les mouvements contestataires, elles sont l'occasion de revendiquer des ruptures concrètes et immédiates. L'arrêt du libre-échange et la sortie de l'OMC doivent absolument en faire partie.

 

iLire par exemple « Pascal Lamy: l'ouverture des échanges est aussi une réponse à la crise alimentaire », 14 avril 2008, http://www.mediapart.fr

iiLire Jacques Nikonoff, « Contre le libre-échange, la Charte de La Havane », http://www.m-pep.org/spip.php?article16