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Titre du blog : Démondialiser et coopérer
Auteur : abernier
Date de création : 28-11-2007
 
posté le 10-08-2009 à 11:21:10

Ne soyons pas des altermondialistes benêts

 

Débat Aurélien Bernier

 

 

Du 1er au 9 août 2009, à Notre-Dame-des-Landes (44), la « Semaine de résistance » visait à mobiliser les organisations militantes et les citoyens contre un projet local de nouvel aéroport, et plus largement, à débattre des politiques de lutte contre le changement climatique. A cette occasion, un débat politique intitulé « Comment les politiques prennent en compte l’écologie » a été organisé le 7 août. Il a rassemblé 500 personnes. Les intervenants étaient Yannick Jadot et François Dufour (Europe Ecologie), Jean-François Pélissier (Alternatifs), Corinne Morel-Darleux (Parti de Gauche), Aurélien Bernier (M’PEP), Vincent Liegey (Europe Décroissance), Christine Poupin (NPA), et Bernard Frot (Mouvement écologiste indépendant). 

 

Dans son avant-dernier livre, Comment les riches détruisent la planète (Seuil), Hervé Kempf s’en prend à juste titre aux « écologistes benêts ». Qu’ils soient militants associatifs ou politiques, les écologistes benêts sont ceux qui ne voient le monde qu’à travers la crise écologique en oubliant la crise sociale. Ceux qui défendent une écologie qui ne serait « ni de droite ni de gauche ». Ceux qui prétendent sauver les écosystèmes sans mettre fin au capitalisme.

Depuis la parution de ce livre en 2007, les écologistes benêt n’ont pas disparu, bien au contraire. Les choses se sont même aggravées. A présent, certains vont jusqu’à assumer sans le moindre complexe un capitalisme vert qui nous promet des éoliennes et des centrales photovoltaïques par milliers, mais sans la moindre remise en cause de l’ordre économique mondial qui tente même d’y puiser une seconde jeunesse.

 

Aller au fond des choses

Face à cette offensive extrêmement dangereuse, nous ne devons pas être nous aussi des militants politiques ou des altermondialistes benêts. Pour cela, il faut bien-sûr promouvoir une écologie clairement antilibérale, mais surtout, il faut aller au fond des choses. Ce qui n’est actuellement pas le cas. Nous avons travaillé pour imaginer le monde idéal que nous aimerions construite. Mais le mouvement altermondialiste ne dit jamais comment sortir concrètement et rapidement du néolibéralisme. Pour illustrer cette forme d’autocensure, prenons trois exemples.

 

Premièrement, l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dix ans après le contre-sommet de Seattle, le mouvement altermondialiste n’a toujours pas de discours clair au sujet de cette institution. Nous entendons parler de réformer l’OMC, de limiter ses pouvoirs. Nous entendons dire qu’il faut « sortir l’agriculture des compétences de l’OMC ». Mais que faut-il comprendre ? Qu’il faut y laisser les services et l’industrie ? Qu’il faut laisser l’OMC empêcher toute mesure ambitieuse de protection de l’environnement au nom de la libre-concurrence ? Soyons clairs. L’OMC est un rassemblement de fanatiques ultralibéraux. Elle n’est pas réformable, et il faut tout simplement en sortir.

 

Deuxième exemple : le protectionnisme. Depuis des années, nous observons et dénonçons les ravages que produit la mondialisation néolibérale sur le plan social et sur le terrain de l’écologie. Le libre-échange, qui met en concurrence les pays à bas coûts de main d’œuvre et les pays développés et qui produit de façon inévitable un alignement vers le pire, est le véritable cœur de cette mondialisation néolibérale. Il faut donc en finir, et le seul moyen d’y parvenir rapidement est d’instaurer un protectionnisme écologique et social sur des bases universalistes. Taxer aux frontières les productions qui polluent et qui ne respectent pas un certain nombre de critères sociaux ne signifie pas se replier sur notre petit territoire national, mais vise au contraire à jeter les bases d’un commerce réellement équitable à l’échelle de la planète.

 

Enfin, le dernier exemple constitue le principal tabou des mouvements sociaux, et il s’agit bien évidemment de la question européenne. Si un gouvernement de gauche ‒ la vraie gauche antilibérale, cela va de soi ‒ arrivait au pouvoir en France, la quasi-totalité de ses propositions se heurterait aux traités, aux directives et aux règlements européens. Nous le savons tous. Interdire les OGM, développer les services publics, mettre en place une fiscalité de justice sociale... Tout cela est interdit par le droit communautaire. Nous savons pertinemment qu’une fois au pouvoir, nous devrions pratiquer la désobéissance européenne et construire du droit national qui, parce qu’il serait socialement juste et soucieux de l’écologie, serait contraire au droit européen. Nous le savons tous, mais seul le M’PEP ose le dire et le revendiquer. Pourquoi ? Ce silence est incompréhensible, alors même que l’abstention atteint des sommets, que l’altermondialisme s’essouffle et que le fatalisme n’a jamais été aussi présent.

 

Organiser la contre-offensive

L’enjeu de cette clarification, qui concerne tous les militants de la gauche et de l’écologie politique, est énorme. Nous ne pouvons plus l’éviter, sauf à nous contenter de luttes de résistance (contre un projet d’aéroport, contre une fermeture d’hôpital, contre une parcelle d’OGM...) sans jamais passer à la contre-offensive. Or, nous devons reprendre la main. C’est en étant cohérents et crédibles que nous redonnerons aux citoyens l’espoir de changer le cours des choses et, qu’au final, nous gagnerons.

 

 

 

 

Voir aussi

 

L'intervention en live et en vidéo :

 

 


Extrait du débat (Corinne présidente) : 
 
 

 Et quelques photos : (merci à Jean-Charles)

 

NDDL 2

Le visuel de la mobilisation

 

 

Le site

NDDL 1

Les stands des organisations politiques

 

Débat Aurélien Bernier

Le débat sur l'écologie politique

 

 Débat 3 Aurélien Bernier

Corinne Morel-Darleux du PG et Yannick Jadot d'Europe écologie

 

Débat 4

Vincent Liegeay, d'Europe décroissance

 

Débat 2 Aurélien Bernier

 et moi

 

 

Commentaires

Ignatius le 30-08-2009 à 16:15:17
Bonjour


je ne crois pas que ce soit un vrai désaccord sur l'utilité de l'engagement politique : car cela pourrait faire croire qu'il s'agit là de divergences d'opinions personnelles (d'autant que je crois que l'un comme l'autre, en acceptant de s'engager dans de petites formations politiques, nous montrons un vrai intérêt désintéressé pour la politique).


Mais, d'une certaine façon, c'est pire encore car nous touchons à ce qui est un noeud tragique que rencontrent tous ceux qui veulent sortir du capitalisme : la question du pouvoir.


Je ne crois pas qu'il faille présenter cela comme un désaccord (ce qui laisserait supposer soit que l'un des 2 a raison et l'autre tort, soit qu'une synthèse serait possible) mais comme le dilemme fondamental dont nous tenons chacun l'un des bouts.


Car, quand tu écris que "Sans prise de pouvoir, les multinationales continueront à dicter leurs lois" : tu as raison de fustiger un angélisme qui laisserait croire que les forteresses vont tomber toutes seules.


Mais, de l'autre côté, et de façon tout aussi vraie, ai-je tort de penser que "dès que la logique du pouvoir est adoptée, la lutte contre le pouvoir est perdue" et dans ce cas, le naïf n'est-il pas celui qui croit qu'il pourra prendre le pouvoir sans se faire prendre par lui ?


Une fois que l'on a compris et accepté nos deux "bouts du dilemme", et si, comme moi, on a cessé de croire à la réconciliation dialectique finale, il reste non pas un "antagonisme" mais un "agonisme (selon la distinction de Chantal Mouffe : http://altergauche26.ouvaton.org/articles.php?id=145&id_rubrique=231).


De quoi alors comprendre que, non pas malgré nos désaccords, mais grâce à notre agonisme, nous pouvons nous demander "Comment riposter ensemble ?"

(http://nanorezo.free.fr/spip.php?article90).


Merci d'avoir lu.


Bien amicalement.


Michel lepesant
abernier le 27-08-2009 à 16:51:23
Bonjour,


Merci pour cette contribution. J'avais déjà lu avec intérêt vos écrits sur le site des objecteurs de croissance.


Quelques éléments de réponse rapides en attendant d'autres textes :


- le M'PEP a sur son site de nombreux documents qui traitent de la question écologique. L'un de nos premiers colloques, le 6 décembre 2008, portait sur ce thème, et Paul Ariès y avait fait une intervention brillante. Je vous invite à consulter les enregistrements : http://www.m-pep.org/spip.php?rubrique99


- les trois points que je développe sont très concrets au contraire. Nous sommes bien d'accord que le capitalisme néolibéral et la concentration des pouvoirs sont au coeur de notre critique. Mais pour atteindre ce système, il faut bien passer par des actions politiques concrètes, comme la sortie de l'OMC ou la désobéissance européenne.


- nous avons un vrai désaccord sur l'utilité de l'engagement politique. Il ne s'agit pas d'obtenir une "visibilité", mais de prendre le pouvoir à l'oligarchie.

Ne reproduisons pas les erreurs de la gauche, mais ne reproduisons pas non plus celles de l'écologie politique, qui a renoncé à changer la société pour changer "la vie", à une échelle individuelle, familiale ou communautariste.

Sans prise de pouvoir, les multinationales continueront à dicter leurs lois.


Bien cordialement,


Aurélien Bernier

Ignatius le 14-08-2009 à 17:16:09
Bonjour


1- Merci de reprendre ton texte sur ton blog car sur le site du M’PEP, pas de possibilité de placer un commentaire.


2- Très bien de ne pas être un "écologiste benêt" ; mais encore faudrait-il être un "écologiste". Car sinon, cela donne à entendre que tous les écologistes seraient des "benêts".


- Ecrire qu’il est nécessaire d’être "écologiste" ne signifie pas que c’est suffisant : évidemment !


- Je reçois une lettre de diffusion du M’PEP (merci à celui qui m’a abonné ;=) ; la dernière m’informait d’une Lettre du M’PEP au Front de Gauche. Je n’y ai trouvé qu’une seule occurrence de "écolo" : pour évoquer "Europe-Ecologie". Dois-je alors déduire de cette absence que pour le M’PEP tous les écologistes sont des "benêts" ?


3- J’en viens aux 3 exemples "concrets" donnés dans ton intervention : OMC, protectionnisme et Europe.


- Le type même d’exemples "abstraits" ; au sens où "abstraire", c’est séparer les choses, les "extraire".


- Car en réalité, ta critique est "abstraite" car, quoi qu’elle en dise, elle ne va pas "au fond des choses".


- Le "fond des choses", c’est la question du pouvoir. Plus exactement, sa concentration aux mains des élites (finance, politique, média, industrie). "Et si l'on remonte à la source de cette concentration, on trouve l'instauration du SYSTEME de l'économie de marché - avec l'économie de croissance qui en est résultée - et l'introduction parallèle de la "démocratie" représentative" (Fotopoulos, Démocratie générale, p.15).


- Faire de la conquête du pouvoir un préalable du changement de la société, c’est répéter les mêmes erreurs historiques du "socialisme réel" et de la "social-démocratie". Après les "déçus de la gauche", les futurs "déçus de l’Autre gauche" ?


- Peut-on faire autrement ? Peut-on changer la société sans prise préalable de pouvoir (de l’Etat, dans les régions, etc.) ?


- Vendredi dernier, lors du débat, il m’a semblé que les Objecteurs de Croissance proposaient une "véritable stratégie de transformation", c’est-à-dire une critique cohérente et anti-systémique du capitalisme, en combinant les expériences des alternatives concrètes et des contre-pouvoirs dans les luttes sociales avec un projet de société, sans dédaigner la visibilité électorale : bref, de quoi commencer sans attendre non pas une "contre-offensive » mais une sortie définitive du capitalisme.


http://nanorezo.free.fr/spip.php?article82


Merci d’avoir lu jusqu’au bout.


Michel Lepesant