Dix années après la signature du protocole de Kyoto, et alors qu’ont débuté les négociations sur les suites du protocole, pour la période post-2012, il n’est pas inutile de revenir sur les aspects les plus controversés de l’accord international censé régler la crise climatique. C’est ce que s’emploie à faire Aurélien Bernier dans Le climat otage de la finance, petit livre fort instructif, pédagogique, et sans concession sur les mécanismes marchands qui président aux destinées de la planète.
Alors que nul ne remet plus réellement en cause le constat scientifique, dans les coulisses économiques, dans les couloirs des diverses institutions financières, patrons et financiers s’agitent pour valoriser économiquement les échanges de droits d’émissions de gaz à effet de serre. Désormais la finance carbone a les mains libres pour boursicoter avec la ressource de bas e que constitue l’atmosphère.
Après un retour sur les fondements idéologiques de la marchandisation des biens environnementaux A. Bernier décrit minutieusement les différents types d’accord qui permettent aux industriels et au multinationales non seulement de se défausser de leur responsabilités mais aussi de faire fructifier leurs profits grâce à des investissements autorisés par Kyoto : mise en œuvre conjointe, mécanismes de développement propre, prix du CO2, échanges de droits d’émissions … Tout concourt à vider de toute portée ce qui devrait être une politique climatique volontariste à l’échelle internationale.
Outre cette dimension de marchandisation, A. Bernier précise un certain nombre de dangers à venir et qui font partie des outils promus par les classes dirigeantes : le charbon, avec des recherches de procédés permettant à terme de le substituer au pétrole, l’enfouissement du carbone ou encore la création de paradis de pollution dans les pays pauvres, le parallèle étant ici évident avec les paradis fiscaux.
Dans la dernière partie de son ouvrage l’auteur décrit un certain nombre de réformes antilibérales, offrant ainsi une alternative aux systèmes marchands dénoncés dans les chapitres précédents. Ces réformes tournent autour de l’idée de durcissement des réglementations, de taxes des émissions, de réforme des marchés publics mais aussi de développement gratuit des licences pour les technologies d’intérêt environnemental. S’il ne précise pas réellement comment ces mesures doivent s’articuler avec des modifications radicales des modes de transport, de production ou d’aménagement du territoire, il s’agit là de pistes fort stimulantes pour réfléchir à un contrôle public sur l’avenir du climat.
Reste maintenant à faire de ces critiques et propositions des outils lors des mobilisations pour la justice climatique et passer ainsi, comme nous y invite Aurélien Bernier, de la théorie à la pratique.
Vincent Gay