Aurélien Bernier, ex-membre d'Attac France, président de l'association Inf'OGM, tire à boulets rouges sur le protocole de Kyoto visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et sur les mécanismes de marché censés en faciliter la mise en oeuvre. Les objectifs de Kyoto ne sont pas à la hauteur des enjeux. Et le système d'échange de droits à polluer laisse croire que la "finance carbone" offre des outils à même de gérer la crise climatique.
Ce livre est à la fois injuste et juste. Il est injuste lorsqu'il discrédite le principe d'un marché du carbone: l'existence même de ce marché signifie que l'environnement a enfin une valeur et que des règles du jeu ont été instaurées (celui qui pollue au-delà de son quota doit payer). Le marché du carbone, ce n'est pas le libéralisme en marche, c'est au contraire de la régulation, ce que l'auteur admet au détour de certaines pages, tout en assénant le contraire. En revanche, il a parfaitement raison de dénoncer le niveau insuffisant de cette régulation, qui ne permet pas de répondre à la gravité de la situation. Il faut imposer des contraintes plus fortes et se donner les moyens d'en vérifier l'application.
Comment ne pas être d'accord ? Mais les "il faut" et les "y'a qu'à" d'un ouvrage aussi pertinent que faible dans son analyse des rapports de force politiques sont ici d'un piètre secours. Et pas sûr que préconiser une sortie du protocole de Kyoto au nom de son indigence (actuelle) soit la meilleure façon de faire avancer les choses.
Post sciptum:
Cet article montre que son auteur croit au principe des drois à polluer, ce qui est tout à fait son droit.
Mais l'argumentation utilisée laisse dubitatif.
Par exemple :
"l'existence même de ce marché signifie que l'environnement a enfin une valeur et que des règles du jeu ont été instaurées"
Ah bon? A 0,02 € la tonne de CO2 en décembre 2007, on peut estimer que l'environnement a une valeur?
Et une réglementation des pouvoirs publics avec des sanctions sévères, elle, ne donnerait aucune valeur à l'environnement?
"Le marché du carbone, ce n'est pas le libéralisme en marche, c'est au contraire de la régulation, ce que l'auteur admet au détour de certaines pages, tout en assénant le contraire."
Affirmation assez osée. Et contre-sens, puisque je prétends le contraire. Mais je le démontre au long des 160 pages du livre, alors qu'Alternatives économiques se contente de ces trois lignes.
"un ouvrage aussi pertinent que faible dans son analyse des rapports de force politiques"
Que signifie "rapports de forces politiques" dans cette phrase?
Compte-tenu du reste de l'article, on peut l'interpréter comme les rapports de forces existants dans le cadre de l'actuelle mondialisation libérale.
Effectivement, si l'on renonce à sortir du système, les rapports de forces existants permettent de faire uniquement ce que fait la communauté internationale : intervenir à la toute petite marge, et ne surtout pas parler de ruptures avec le libre-échange intégral.
Je crois au contraire que la thèse du "réalisme" soutenue par Alternatives économiques ne peut mener qu'à la catastrophe, celle qui est en cours et qui a permis d'augmenter les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 35% entre 1997 et 2007.
Suite à la parution de cette critique, voici donc le courrier que j'ai adressé à Alternatives économiques.
Madame, Monsieur,
Vous avez consacré dans le dernier numéro d'Alternatives économiques un paragraphe au livre que je viens de publier aux éditions Mille-et-une-Nuits, Le climat otage de la finance. Je tiens tout d'abord à vous en remercier.
Néanmoins, la critique que vous en faites me paraît mal fondée et pour le moins discutable.
Le thème du changement climatique, qui reviendra au premier plan de l'actualité au mois de décembre avec le sommet international de Poznan, et celui de la finance carbone méritent un débat approfondi. Votre journal me semble d'ailleurs être l'un des médias les mieux placés pour le mener.
Aussi, je me permets de vous proposer un échange contradictoire dans vos colonnes, dans lequel je pourrais développer non seulement quelques arguments du livre, mais également des réponses à vos critiques.
Je me suis d'ailleurs prêté récemment à un débat de cette nature lors de la dernière Université de rentrée du WWF que vous avez soutenue, et je serais ravi de pouvoir renouveler l'expérience par écrit.
Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, mes salutations les meilleures.
Aurélien Bernier
... Pas de réponse pour l'instant, mais à suivre de près.