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Titre du blog : Démondialiser et coopérer
Auteur : abernier
Date de création : 28-11-2007
 
posté le 17-08-2012 à 16:57:00

Pourquoi je ne partage plus les options stratégiques du M'PEP

Depuis sa création en mai 2008, le M'PEP a l'ambition de participer à le reconstruction d'une grande force de gauche capable de dépasser le Parti socialiste et de mettre en oeuvre un socialisme du XXIè siècle. Lors de la création du Front de gauche, en novembre 2008, le M'PEP a manifesté son souhait d'intégrer ce rassemblement, à condition que ses positions (sur l'Union européenne et le protectionnisme internationaliste notamment) puissent être exprimées librement. Même si les dirigeants nationaux du Parti communiste français et du Parti de gauche n'ont jamais répondu favorablement, l'intégration au Front de gauche est longtemps restée un objectif du M'PEP. Lors du Congrès des 28, 29 et 30 janvier 2011, le M'PEP adoptait une résolution dans la perspective des élections de 2012. Elle actait un soutien critique à la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle et aux candidats du Front de gauche aux élections législatives, et annonçait des candidatures du M'PEP dans trois circonscriptions où le Front national était en position de force et où le Front de gauche avait peu de chances de faire un bon score.

 

Au lendemain des élections présidentielles, cet équilibre fragile vole en éclat avec l'annonce de la candidature de Jean-Luc Mélenchon sur la circonscription d'Hénin-Beaumont, où Michèle Dessenne était candidate déclarée pour le M'PEP.

 

Le 12 juin 2012, Jacques Nikonoff, porte-parole du mouvement, appelle à titre personnel à voter pour Nicolas Dupont-Aignan au second tour des législatives. Dans sa chronique, il estime qu'« on ne pourra pas compter sur le PS et le Front de gauche pour s’opposer au fédéralisme européen » et que « c’est à la construction d’un nouveau Conseil national de la Résistance qu’il faudrait œuvrer, rassemblant des communistes et des socialistes qui souhaitent recouvrer notre souveraineté nationale, des gaullistes, des républicains et démocrates, des syndicalistes, pour mettre en œuvre un programme de démondialisation. »

 

Les 23 et 24 juin 2012, le Conseil national du M'PEP adopte une résolution qui vise la prise de « contacts exploratoires » dans la double perspective de la constitution du « nouveau CNR » et de la création d'une alliance électorale pour les européennes de 2014 afin de transformer cette échéance en référendum pour la sortie de l'Union européenne et de l'euro.

 

Le 28 juin, avec l'accord du Conseil national, Jacques Nikonoff intervient dans une conférence de presse organisée par Nicolas Dupont-Aignan.

 

Enfin, le 31 juillet 2012, le M'PEP adopte un texte intitulé « Analyse des résultats du Front de gauche ». On peut y lire notamment : « Pour battre le FN il faut des partis politiques organisés sur le terrain, au plus près de la population, qui mènent à la fois le combat idéologique et qui agissent pour la défense des intérêts quotidiens, collectifs et individuels de la population. Le Front de gauche n’est pas apte à mener ce combat, c’est le rôle d’un parti communiste comme il en existait un des années 50 aux années 70. » La conclusion du texte est que : « Tout l’enjeu des mois et des années à venir se résume à la question de la souveraineté nationale. Il serait cependant stérile d’attendre qu’une telle évolution se produise d’elle-même, ou même de l’encourager seulement par la stimulation du débat interne aux organisations membres du Front de gauche.[...] Le moment est donc venu pour ceux qui se reconnaissent dans ce courant de s’organiser. Et de rassembler les forces qui voudront s’engager sur cette ligne politique, articulée au Front de gauche et sans rupture avec lui. Mais à l’extérieur du Front de gauche, de manière libre et totalement autonome à son égard. »

 

Ce changement d'orientation, qui doit encore être confirmé par un Congrès programmé début 2013, m'amène à réagir.

 

Sur le rapport au Front de gauche :

Le Front de gauche a bien des défauts, et nombre de critiques que lui adresse le M'PEP sont justifiées. Ses positions encore trop timides sur les questions européennes en général et son erreur d'analyse et de stratégie sur l'euro en particulier l'ont empêché de réaliser un meilleur score aux élections de 2012 en mobilisant plus largement les abstentionnistes. Néanmoins, je pense qu'il est possible de faire changer cette ligne en faisant changer les militants d'opinion. Or, la création d'un rassemblement électoral «  totalement autonome » et concurrent du Front de gauche marquera sans doute la fin du dialogue possible entre les organisations du Front de gauche et le M'PEP. Ce dialogue, refusé par les dirigeants nationaux du PCF et du PG, existait souvent au niveau local et pouvait, à mon sens, porter ses fruits. Dire que le Front de gauche est acquis au « fédéralisme européen » me semble faux, comme il serait faux de croire que la question du protectionnisme continuera forcément à être sous-estimée.

 

Sur le « nouveau CNR » :

J'admets que, sur bien des points, Nicolas Dupont-Aignan est plus courageux et même plus « à gauche » que certains dirigeants socialistes. J'admets également que la situation politique nécessiterait de dépasser les clivages traditionnels et que l'exemple du CNR est, à ce titre, intéressant. Néanmoins, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Si des actions communes pourraient et devraient réunir des mouvements de gauche radicale comme le M'PEP et des mouvements républicains qui ne se reconnaissent pas dans « la gauche », ce n'est pas un soutien électoral lancé entre les deux tours d'une élection législative qui peut constituer un signal favorable. Il faut d'abord convaincre la gauche radicale que rien n'est possible sans reconstruction de la souveraineté populaire à un niveau national. Lorsque ce combat sera gagné, et que le Parti socialiste apparaîtra enfin, aux yeux de la gauche radicale, comme l'un des fossoyeurs de cette souveraineté populaire, de nouvelles alliances pourront peut-être s'envisager. Mais à l'heure actuelle, je ne pense pas que la concurrence électorale avec le Front de gauche, qui plus est dans un « nouveau CNR » qui intègre des formations de droite, puisse profiter au M'PEP et aux idées qu'il défend.

 

Je me trouve donc en désaccord avec la stratégie dans laquelle s'engage le M'PEP. Ce désaccord, qui n'enlève rien à mon attachement aux positions de fond portées par le mouvement, ni aux erreurs commises par le Front de gauche, m'oblige à revoir ma position au sein du M'PEP. J'ai décidé de quitter le bureau exécutif et ma fonction de correspondant local, et je ne m'exprimerai plus publiquement, par écrit ou par oral, au nom du mouvement. Je reste adhérent et je continuerai à défendre ma position au sein du Conseil national, en espérant sincèrement que les relations entre le M'PEP et le Front de gauche connaîtront des jours meilleurs. D'ici là, j'essaierai de contribuer au débat de fond au sein de la gauche radicale pour faire gagner les idées qui sont les miennes : la sortie du libre-échange, du productivisme, de l'ordre juridique européen et de l'euro.

 

Aurélien Bernier

16 août 2012


 

Commentaires

Michel Lepesant le 28-08-2012 à 16:32:17
Bonjour Aurélien


je reviens des (F)Estives de l'objection de croissance qui avaient lieu cette année en Belgique : "Ecologie radicale", anti-productivisme et décroissance (comme nom politique de la transition d'une société de croissance à une société d'a-croissance) me semblent des horizons bien plus prometteurs que de devoir hésiter entre la grippe et l'angine.

En lisant ton texte, on ne peut s'empêcher de se demander comme un anti-productiviste de gauche comme toi en arrive à appartenir à une formation qui oscille entre :

- un regroupement certes à gauche mais avec des productivistes.

- un regroupement certes dénonçant la mondialisation mais avec des politiques de droite.


Amitiés

Michel