Contrairement à ce que de nombreux commentateurs prédisaient, le Grenelle de l’environnement voulu par Nicolas Sarkozy au lendemain de son élection à la présidence de la République n’est pas qu’un coup médiatique. Si nous restons loin de la révolution écologique, il faut reconnaître que les décisions annoncées le 25 octobre ne sont pas toutes anodines et qu’aucun des précédents gouvernements n’avait été aussi loin en matière d’environnement. Le discours prononcé lors de la clôture du Grenelle reste évidemment ambigu sur plusieurs points, mais il révèle surtout une véritable stratégie sur la question environnementale.
Il est tout d’abord frappant de constater que de nombreuses actions reposent sur une intervention des pouvoirs publics : investissements en matière de transport visant à supprimer 3 millions de camions sur les routes, rénovation de logements anciens au rythme de 400 000 par an, plan d’éradication du saturnisme et nouvelle loi sur l’air… L’annonce de la réforme du code des marchés publics pour rendre obligatoire l’intégration de clauses environnementales est elle aussi caractéristique de ce volontarisme, et constitue une réelle avancée portant sur 14 à 15% du PIB national. Ce positionnement peut paraître contradictoire avec les politiques économiques que le gouvernement mène par ailleurs, où la casse des services publics et des solidarités nationales côtoie les suppressions de postes dans la fonction publique. Mais sans doute, Nicolas Sarkozy souhaite-t-il justement donner le change comme il l’a déjà fait par le passé. Les citoyens sont profondément inquiets d’une mondialisation galopant vers l’ultra libéralisme, synonyme de perte d’influence des Etats et du recul de l’idée de nation ? Le dirigeant UMP y répond de la façon la plus populiste qui soit, en intervenant sur l’immigration, la sécurité, la répression, avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, il semble décidé à prouver que la puissance publique peut également agir face à la crise environnementale, quitte à recourir à des mesures flirtant avec la préférence nationale, comme la taxation des camions étrangers empruntant les routes françaises. Nicolas Sarkozy joue ainsi aux prestidigitateurs en dépouillant l’Etat de sa main libérale et en le réarmant de son autre main, plus interventionniste. Le citoyen peu regardant risque bien de s’en contenter.
Deuxième enseignement du Grenelle : le pouvoir en place compte sur la question environnementale pour relancer la croissance et donner un avantage concurrentiel aux entreprises françaises. Le président de la République insiste sur cette notion de « business vert », et donne l’assurance qu’une éventuelle fiscalité écologique aura pour contrepartie une baisse de la fiscalité sur le travail. Ces incantations reprennent très fidèlement la ligne éditoriale du quotidien financier « La Tribune » du 24 octobre, qui fait l’éloge de la « croissance verte » tout au long de ses quarante pages[1]. Nicolas Sarkozy assure de la même manière que « Le développement de demain sera écologique ». Rien de surprenant, si ce n’est que dès la phrase suivante, le président annonce qu’il souhaite aussi lutter contre le dumping environnemental. Pour ce faire, il propose d’appliquer de nouveaux droits de douane aux produits d’importation provenant de pays qui ne respectent pas le Protocole de Kyoto. Cette mesure, qui figurait déjà dans le programme du candidat de l’UMP, réapparaît donc à l’issue du Grenelle. Elle s’inspire de la notion de « protectionnisme altruiste », défendue par certains courants altermondialistes. L’objectif recherché est d’aller vers une concurrence réellement non faussée en réintroduisant le coût des externalités sociales et environnementales dans le prix des produits d’importation par l’intermédiaire de barrières douanières. L’altruisme se caractérise par l’affectation du produit de cette taxe aux pays en développement, pour la réalisation de projets respectueux de l’environnement et bénéfiques pour les populations. Avec Nicolas Sarkozy, les considérations sociales et l’altruisme sont rangées au placard. Mais la taxation environnementale donne néanmoins un signal aux entreprises françaises : le gouvernement n’hésitera pas à s’inspirer de la schizophrénie américaine, en prônant la libre concurrence tout en pratiquant le protectionnisme autant qu’il sera possible de le faire.
Pour le président de la République, une telle initiative n’est évidemment pas envisageable à l’échelon national. Il s’engage donc à la défendre, comme d’autres, lors de la présidence française de l’Union européenne. La troisième grande caractéristique du discours de clôture du Grenelle est cette ambition affichée de transformer l’essai au niveau communautaire. Ce qui est valable pour les droits de douane l’est aussi pour le développement d’une agriculture et d’une pêche de haute qualité environnementale que M. Sarkozy assure vouloir promouvoir « dès le début de la présidence française de l'Union européenne ». Cette tactique est gagnante à tous les coups. En cas d’échec, ce sera la faute de Bruxelles, et en cas de réussite, le chef de l’Etat se targuera d’avoir influencé les politiques européennes dans le bon sens. Pourtant, Nicolas Sarkozy ne semble pas vouloir se contenter de déclarations. Le fait d’avoir confié à Corinne Lepage, une des seules écologistes de conviction dans les rangs de la droite, la mission de préparer la présidence française de l’Union sur la thématique environnementale est révélateur de ses ambitions. L’ancienne ministre n’étant pas femme à faire de la figuration, elle se battra sans aucun doute pour obtenir du concret. Ainsi, le président de la République agiterait un magnifique chiffon vert sous le nez des citoyens et poursuivrait tranquillement une stratégie libérale qui passe notamment par l’adoption du traité modificatif, résurgence vicieuse du Traité Constitutionnel Européen. Tel pourrait être le prix à payer d’un éventuel moratoire européen sur les OGM ou d’un verdissement de la Politique Agricole Commune.
Après six mois de mandat, il est donc clair que l’environnement est devenu une composante importante, et peut-être même essentielle, de la stratégie Sarkozy. L’efficacité de ce rideau de fumée passe par des actes concrets, qui iront sans doute dans le bon sens du point de vue de l’écologie, mais sans remettre en cause à aucun moment les politiques libérales. La totalité des commentaires à l’issue du Grenelle se sont focalisés sur les décisions, en oubliant de se poser la principale question, à savoir : pourquoi le seul candidat qui présentait un programme totalement vide en matière d’environnement s’est-il lancé dans un Grenelle une fois élu ? Peut-être parce qu’avec 10% de Gore et 90% de Thatcher, Nicolas Sarkozy a trouvé la recette de l’ultra libéralisme post-Kyoto.
Commentaires
salut je suis presque nouvelle dans vefblog et svp visite mon blog et dite moi ton avis et je veux faire connaissance
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