Une question centrale devrait en théorie traverser ces trois groupes. Elle peut se résumer à : « comment réduire l’impact de la production et de la consommation sur l’environnement ? ». Et, bien évidemment, elle se double d’une seconde, qui est : « comment l’état peut-il favoriser cette mutation ? ».
Sans préjuger des résultats du Grenelle, il faut avouer que les premières pistes évoquées laissent sceptique.Le 6 juillet, M. Dominique Bussereau, ministre des transports, indique qu’il proposera au Grenelle l’instauration d’une taxe sur les poids lourds, étant entendu que cette dernière ne se superposerait pas aux péages autoroutiers. Si l’idée est tout à fait louable, l’élu UMP n’ira toutefois pas jusqu’à s’avancer sur un taux ni sur une affectation de son produit.
M. Nicolas Sarkozy s’est engagé quand à lui à faire passer la fiscalité écologique de 2,3% actuellement, à 5% du PIB en 2010. Mais, d’une part, cette notion de fiscalité écologique est particulièrement floue. Elle inclut par exemple la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), qui pèse à elle seule 24 milliards d’euros sur les 42,8 milliards qui entrent dans les calculs. D’autre part, le Président de la République ne dit pas qui devra assumer cette hausse de la fiscalité. S’il s’agit encore une fois d’augmenter la TIPP ou de taxer les consommations domestiques sans discernement, elle pénalisera lourdement les couches sociales les moins favorisées.
Il existerait pourtant un moyen efficace d’obtenir une amélioration notable et rapide de l’impact des modes de production et de consommation sur l’environnement tout en laissant intacte la sacro-sainte compétitivité des entreprises.
La commande publique, qui regroupe les achats de biens, de services et les prestations de travaux de l’Etat et des collectivités locales, se monte à 234 milliards d’euros par an. Les aides publiques aux entreprises sont évaluées à 65 milliards par an. La somme des deux se chiffre donc à près de 300 milliards d’euros et représente 17,5% du PIB national. 300 milliards d’euros d’argent public qui sont versés chaque année directement aux entreprises.
Imaginons deux mesures. La première consiste à rendre obligatoire l’intégration de considération environnementales dans la commande publique : exigence d’écolabels, utilisation de bois certifié, de matériaux recyclés, produits alimentaires issus d’une agriculture durable… La seconde est un conditionnement des aides publiques aux entreprises au respect de critères environnementaux. Ce qu’on appelle une éco-conditionnalité. Dans un cas comme dans l’autre, aucun obstacle technique n’empêche de les mettre en œuvre.
Pour la commande publique, il suffit de définir des cahiers des charges types (qui existent déjà en grande partie sous forme de préconisations et autres guides) et de s’assurer que les collectivités et que les services de l’Etat les intègrent à leurs marchés. Le Comité des Finances Locales, qui est l’organisme de contrôle pour la répartition des principaux concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, pourrait être renforcé et se voir attribuer une nouvelle fonction de contrôle de l’éco-responsabilité de leur commande publique. Le versement de la Dotation Globale de Fonctionnement (39 milliards d’euros en 2007), qui est une base de ressources régulières fournie par l’Etat aux collectivités locales, pourrait être conditionné au respect des principes d’éco-responsabilité dans les passations de marchés.
En matière d’aides publiques, un travail préalable est nécessaire. Ce domaine est en effet une véritable jungle dans laquelle aucun gouvernement ne s’est réellement s’aventuré. Le « Rapport sur les aides publiques aux entreprises » de décembre 2006, réalisé par l’Inspection générale des Finances, l’Inspection générale des Affaires sociales et l’Inspection générale de l’Administration estime que le nombre cumulé des dispositifs d’aides s’élève à au moins six mille ! Les rédacteurs proposent leur recensement, leur harmonisation et leur évaluation. Dès lors, on pourrait y ajouter sans difficulté le conditionnement à des pratiques éco-responsables, qui n’est qu’une affaire de volonté politique. M. Nicolas Sarkozy et les membres de son gouvernement l’auront-elle ? Rien n’est moins sûr. Durant son mandat de Premier Ministre, en janvier 2001, M. Lionel Jospin avait créé la Commission nationale des aides publiques aux entreprises (CNAPE). La mission de cet organisme était justement d’évaluer les impacts des aides publiques aux entreprises et de rendre au Parlement un rapport annuel sur le sujet. Elle fut abrogée par M. Jean-Pierre Raffarin le 20 décembre 2002, peu de temps après son arrivée au pouvoir.
La conjugaison de l’obligation d’éco-responsabilité dans la commande publique et de l’éco-conditionnalité des aides aurait pourtant un impact immédiat sur les pratiques des entreprises. Elle renforcerait en même temps la compétitivité des firmes européennes, qui sont plus en avance que leurs concurrentes sur la fabrication de produits respectueux de l’environnement. Alors, pourquoi ne pas en faire une double exigence de la société civile lors du Grenelle ? 300 milliards d’euros, c’est presque 500 fois le budget 2006 du ministère de l’écologie et du développement durable…
Commentaires
le principe d'éco-conditionnalité existe en agriculture depuis un bon moment déjà, il commence juste à être contrôlé...
cela fait des années que l'agriculture se soucie de l'environnement et de l'impact écologique de son activité ...
Ca déjà, c'est en place ...