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Titre du blog : Démondialiser et coopérer
Auteur : abernier
Date de création : 28-11-2007
 
posté le 10-12-2010 à 19:34:09

Briser la tabou de la désobéissance européenne

Article paru dans le Sarkophage de novembre 2010

 

 

 

La campagne contre le Traité constitutionnel de 2005 a au moins permis aux citoyens de prendre conscience d'une chose : l'Union européenne est partout. A l'Assemblée Nationale et au Sénat, où la totalité des textes votés doit être compatible avec le droit européen. Dans chaque collectivité locale, où les passations de marchés doivent se conformer au dogme de la libre concurrence imposé par les directives sur la commande publique. Dans les entreprises et les services publics, qui doivent se plier aux règles du libre-échange et de la dérégulation. L'Union est partout et sa ferveur ultralibérale n'est un secret pour personne. Et pourtant ! Il règne dans les mouvements de gauche et dans le monde syndical une véritable omertà. Comme dans les régions mafieuses, tout le monde sait mais personne ne parle. Tout le monde sait qu'aucun programme de gauche radicale ne peut être mis en oeuvre dans le cadre du droit européen.

 

Nous pourrions reprendre point par point les programmes de 2007 de la "gauche de gauche" et les passer au crible du droit européen. Dans le meilleur des cas, 5 à 10 % des propositions seraient tolérées par l'Union européenne. Mais 90 à 95% seraient purement et simplement inenvisageables. Il n'est pas nécessaire d'attendre la finalisation des programmes de 2012 pour savoir que la quasi-totalité des revendication du NPA ou du Front de Gauche, et même une bonne partie des timides propositions d'Europe Ecologie sur les paradis fiscaux, les taxes écologiques ou la relocalisation des activités seront interdites par le Traité de Lisbonne, les directives et les règlements communautaires. Tout le monde le sait, mais personne ne le dit, comme si des tueurs mafieux tenaient les partis politiques sous la menace de leurs fusils à canons sciés. La presse de gauche ou alternative n'est pas non plus réellement en pointe sur ce thème. De l'Humanité à La Décroissance, les journaux contestataires proposent des ruptures radicales à toutes les pages mais ne parlent quasiment jamais de la chape de plomb européiste qui rend tout cela impossible. Quant aux syndicats, hormis des tentatives de manifestations européennes encore balbutiantes, on en viendrait presque à croire en lisant leurs analyses que l'Union européenne n'existe pas !


Pourtant, nous ne sommes pas en Sicile ou dans un film de truands. Le seul risque que court la gauche radicale n'est pas d'être abattue sur place mais de s'engager dans un véritable débat d'idées. Un débat sans lequel il lui sera impossible de vaincre la désillusion et de prendre le pouvoir. Puisque toute politique de gauche est incompatible avec le droit européen, il n'existe que deux solutions, pas une de plus. Soit l'inaction, soit la désobéissance européenne. Les programmes politiques de la gauche pour 2012 devraient comporter un chapeau introductif. Une première possibilité serait d'écrire : "Nous prenons acte du fait que le droit européen s'impose aux Etats, et que certaines de nos propositions ne sont pas compatibles avec les textes communautaires. Nous voulons changer l'Europe de l'intérieur, ce qui prendra un temps certain, pour ne pas dire quelques décennies. D'ici là, nous renonçons à appliquer le programme que nous soumettons au vote des électeurs. Nous nous en excusons d'avance auprès du peuple". C'est, en langage décodé, la position plus ou moins assumée du Parti socialiste et d'Europe écologie. La seconde variante consisterait à écrire : "Le droit communautaire élaboré par des commissaires non élus et obéissant aux lobbys économiques est un droit illégitime, qui viole la souveraineté populaire. Nous présentons un programme de gouvernement que nous voulons mettre en oeuvre point par point une fois élus. En cas de victoire, ce programme aura, contrairement au droit européen, la légitimité du vote démocratique. Nous nous engageons donc solennellement à pratiquer la désobéissance européenne autant que nécessaire pour respecter nos promesses électorales."


Avouons qu'une telle franchise secouerait une campagne qui s'annonce déjà insipide. Alors, qu'attendent-ils ? Que craignent-ils autant ? De choquer un peuple qui a voté "non" en 2005 malgré une propagande incroyable en faveur du "oui" ? De s'entendre traiter de nationalistes, de populistes, de souverainistes... ce qui fut le cas et ne nous a pas empêchés de gagner ce référendum il y a cinq ans ? De passer pour les moutons noirs de l'Europe alors que la désobéissance européenne mise en oeuvre en France transcenderait tous les mouvements sociaux dans les Etats membres et permettrait, peut-être, un basculement politique généralisé en l'espace de quelques années ? Les syndicalistes en lutte partout en Europe resteraient-ils les bras croisés en voyant la France promouvoir une loi de renforcement des services publics ou de taxation des capitaux ? Bien-sûr que non ! Notre exemple montrerait à l'inverse que des politiques de gauche sont possibles avec un peu de courage politique.


Et c'est bien ce courage politique que nous allons mesurer durant l'année et demie qui nous sépare des élections présidentielles et législatives. Aujourd'hui, Olivier Besancenot se dit prêt à la désobéissance européenne. Mais plutôt que d'en faire l'un des principaux mots d'ordre de son organisation, il le glisse au détour d'une vidéo confidentielle1. Lorsque Jean-Luc Mélenchon intervient sur la question, c'est à la fin d'une interview interne au Parti de Gauche, en employant mille précautions, et en prônant une négociation avec les instances communautaires sur des bases "raisonnables, qui ne soient pas maximalistes"2. Depuis peu, le Parti de Gauche réclame de "sortir du traité de Lisbonne"3. Mais que signifie cette formule ? Est-ce l'Union européenne qui doit elle-même "sortir du traité de Lisbonne" ? Dans ce cas, la proposition équivaut à une réforme de l'intérieur toujours illusoire. Est-ce la France qui, de manière unilatérale, doit en sortir ? Dans ce cas, pourquoi ne pas être plus clair et l'écrire ? Quant au Parti Communiste Français, il reste accroché à la construction d'une "autre Europe" qui prendrait sa source dans l'actuelle Union, comme si l'arsenal juridique ultralibéral bien verrouillé de la Commission pouvait changer du tout au tout. Et comme si les peuples avaient le temps d'attendre les résultats de ce travail titanesque, à supposer qu'il fonctionne.


Le Mouvement politique d'éducation populaire, qui prône clairement la désobéissance européenne, ne se satisfait pas d'être le premier – et le seul aujourd'hui – à mettre les pieds dans le plat. L'omertà à gauche est d'autant plus incroyable que la crise européenne atteint des niveaux inégalés. L'Union européenne a fini de dévoiler sa véritable nature. Sa politique sociale consiste à détruire les droits progressistes pour être "compétitive" face aux économies chinoise et indienne, pour le plus grand bonheur des multinationales. Sa monnaie unique permet d'imposer encore mieux les politiques ultralibérales et de placer les Etats sous la coupe des marchés financiers. Sa politique industrielle, focalisée sur la course à l'innovation, est un désastre produisant à tour de bras des délocalisations et du chômage. Sa politique environnementale est inexistante. Quant à sa conception de la démocratie, elle est parfaitement résumée par l'adoption du Traité de Lisbonne refusé par le suffrage universel en France, aux Pays-Bas et en Irlande.


Aux militants désabusés, aux citoyens qui refusent d'adhérer à un parti, aux abstentionnistes qui votaient pourtant en 2005 lorsqu'on leur parlait de sujets réellement politiques, nous pouvons proposer un formidable travail d'éducation populaire. Créons nos Brigades d'intervention citoyenne et partons en campagne. Participons à tous les meetings, tous les débats publics des mouvements qui se revendiquent de la gauche. Allons-y, le Traité de Lisbonne ou les directives dans une main, les programmes ou les revendications de la gauche dans l'autre. Et comparons les deux. Que ceux qui veulent promouvoir l'agriculture durable nous disent comment contourner les orientations productivistes de la Politique agricole commune sans faire de désobéissance européenne ! Que ceux qui veulent préserver la santé, la Poste ou l'éducation nous disent ce qu'ils feront des directives qui en organisent la libéralisation ! Que ceux qui veulent taxer les capitaux nous disent comment contourner le fait que toute décision de ce type réclame l'unanimité des 27 Etats membres et soit contraire à plusieurs articles du Traité ! Harcelons les partis, les syndicats, les associations politisées, les intellectuels sur ces questions. Ne les lâchons pas tant que nous n'aurons pas de réponse claire. Alors, la désobéissance européenne sera reconnue comme une évidence. Placée en toute première position dans les programmes, elle rendra les autres mesures progressistes enfin crédibles. Et, pour la première fois depuis bien longtemps, la gauche gagnera, car elle suscitera à nouveau l'espoir du changement.

 

 

1Interview d'Olivier Besancenot sur la portée du référendum..., Rue 89, 3 octobre 2010 : "Moi je pense que, oui, les directives européennes, il faut y désobéir".

 

2L'auditorium de J.-L. Mélenchon, http://www.lateledegauche.fr

 

3Tract "Il faut sortir du traité de Lisbonne", http://www.lepartidegauche.fr/images/stories/tracts/tract-sortir-lisbonne.pdf

 

Commentaires

JOS ARPONTAR le 30-08-2011 à 18:03:12



encore ce LAMY SOCIALISTE MAIS COMME DSK AMI DES RICHES..

G SARKORY PREPARE UN GRAND GROUPE FINANCIER ...CAISSE DES DEPOTS CN PREVOYANCE..MALAKOFF MEDERIC...CNTACL CAISSE DE RETRAITE DES COLLECTIVITES LOCALES ET.......SURPRISE.......DES ELUS..UM...PS

POUR PROPOSER AU (DE 6.27 % ALORS QU UN SALARIE SUR DEUX NE PEUT PRENDRE UNE MEDICO-CHIRURGICALE CAR TROP CHERE.. °)

PUIS PRIVATISATION DE LA DEPENDANCE ...DE LA SECU...de la retraite

AXA AUTRE REQUIN EST PRET A PRENDRE UNE PArTIE DU GATEAU BANCASSURANCE...


JOS ATTAC CGT .FRONT DE GAUCHE
Romain-V le 11-12-2010 à 19:03:53
Bonjour


je n'ai pas le même lecture que vous des propos et écrits du PG. Il me semble bien avoir entendu dans les nombreuses vidéos en libre service sur leurs sites la mise en avant du recours au référendum pour justifier le recours à "l'opt-out" pour les réformes en contradiction avec le droit européens, comme le pratique notamment l'Angleterre.

Je n'ai pas pris le temps de toutes les re écouter avant de rédiger cette réaction mais je ne crois pas l'avoir inventé.


cordialement

Romain-V